Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/140

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À cet âge, et après tout ce qu’on vient de lire, je ne connaissais pas encore la douceur d’un baiser. Voici à quelle occasion j’éprouvai pour la première fois cette sensation délicieuse, de la part d’une fille, dont je puis dire avec le poète :

Tarn tremulum crissat, tant blandum prurit, ut ipsum
Mastupratorem fecerit Hippolytum.

Mart. ep. 203, lib. XIV.

Un soir, en arrivant de l’école, j’entendis qu’il y avait à la maison deux de mes cousines Gautherin d’Aigremont : c’étaient les filles d’une sœur de mère de mon père. La blonde Marie, l’aînée, se mariait ; elle venait en prévenir son oncle l’Honnête homme, et la brune Nannon, sa sœur cadette, l’avait accompagnée. Marie était d’une belle figure, suivant ce que je me rappelle, ne l’ayant jamais revue ; elle ressemblait à cette jolie Guéant, qui n’a joué que peu d’années sur le Théâtre-Français. Nannon, sa cadette, n’était que jolie ; un peu de son noir, loin de l’enlaidir, rendait sa figure plus piquante ; elle avait les yeux souriants et mignards d’Aurore Marie Parizot[1], dans la boutique où jadis était le café Baptiste, et son cythéréique sourire ; ou celui de l’aimable Filette, cette jeune et jolie horlogére, à trois boutiques au-dessus de la rue d’Orléans ; elle était brune comme Aurore, la seule différence était dans l’embonpoint : ma cousine en avait davantage.

  1. Fourreuse, rue de la C.-F.