Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/142

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dinaire, c’est que cette sensation ait suivi au lieu de précéder l’écurie aux mules ! C’est sans doute parce que cette autre crise fut forcément amenée.

La première fois que je retournai jouer dans la prairie[1], après la visite de mes cousines, je fis plus d’attention aux filles de mon âge qui avaient la peau douce comme Nannon Gautherin. Il y en avait deux de très jolies : l’une se nommait Marie Fouard ; l’autre, Madeleine Piôt, cousine et non la sœur de cette rouge Marie, qui me portait à Vêpres dans mon enfance. Marie Fouard avait de beaux yeux noirs, des sourcils bien arqués et fournis ; tout en elle annonçait la force et… le tempérament ; c’était celle que je préférais. Madeleine avait plus de blancheur dans le teint, l’air plus doux, plus tendre, plus naïf ; elle partageait mon cœur… On joua au loup. Mon ami Etienne Dumont en fut : c’était un enfant d’une grande innocence, quoique un imprudent l’eût exposée, à peu prés comme Margot avait exposé la mienne avec Marie Louison : mais les excellents principes que lui donnait sa mère le garantirent. Il fut loup le premier. Il était mon rival pour Marie Fouard, et il tâcha de la prendre. Il y réussit ; mais il en agit conformément à son caractère ; il ne ravit pas même un baiser ; il se contenta de presser la main et la taille de sa bien-aimée. Je me laissai attraper ensuite : — « Mon camarade » me dit tout bas Étienne, « si tu crains d’être loup, quoi-

  1. Au jeu du loup.