Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/144

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comme elle… J’observe ici que dés lors, et ensuite pendant mon séjour à Courgis, brûlé par les yeux de Jeannette Rousseau ; que même à la ville, éperdu d’amour jusqu’à la fureur pour Madame Parangon, et toute ma vie, je n’ai jamais été absolument monéraste, mais polyéraste ; à moins qu’on ne trouve bonnes les raisons que je me propose de donner dans le temps, pour prouver que je n’ai aimé qu’une femme. — « Ne craignez rien, ma chère Madeleine, dis-je à la jolie Piôt, en la saisissant ; « je ne serai pas un méchant loup pour vous ; je ne vous ferai pas de mal ! » Je l’embrassai plusieurs fois au lieu de la mordre (ce qui arrivait quelquefois aux loups mes confrères) ; je la traitai comme Marie, et de plus, me souvenant que Nannette m’avait livré sa gorge, je cherchai celle de Madeleine, sans en trouver… Je la laissai aller enfin… Je n’avais plus envie d’être loup ; Étienne m’avait bandé les yeux fort négligemment ; j’y voyais : je devinai un chapeau et je fus remplacé.

À parler sincèrement, je crois que j’aimais la seule Marie Fouard… Mais peut-on avoir de l’amour, à l’âge que j’avais alors ? Je le crois ; car j’ai senti dès lors le goût inspiré par la différence du sexe ; j’ai senti un trouble secret, à la vue de Marie ; je l’ai trouvée la beauté qui était d’accord avec mon cœur. À la vérité dans la suite, j’ai trouvé cet accord plus vivement senti ; mais c’est peut-être uniquement parce que j’étais plus formé…

Mon père, depuis qu’il demeurait à la Bretonne,