Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle me prodigua les soins. — « Je me porte bien ! » lui dis-je un peu durement ; « mais je voudrais être chevreuil ou sanglier ; car je ne voudrais pas être loup, à seule fin de vivre tranquille dans les bois, et surtout dans le vallon où j’ai été aujourd’hui. — Et où donc as-tu été, mon Nicolas ? — Au delà du Bout-Parc. — Oh ! si loin, mon enfant ! — Fût-ce plus loin encore !… Oh ! si vous saviez comme c’est joli !… » Et je me tus, manquant de termes. Ensuite, je distribuai mes poires de miel à mes petits frères et à mes petites sœurs, qui se récrièrent sur leur bonté ; ma mère même en mangea, ce qui redoubla ma gloire et mon contentement. À souper, j’eus envie de causer ; j’appris à mon père que la truie avait été couverte par le sanglier : ce qui parut lui faire plaisir. Il me conseilla lui-même de retourner à mon vallon (comme je le nommais).

Le lendemain, je partis dès la pointe du jour, muni de mon petit sac de provisions, d’une bouteille d’eau rougie, du pain des chiens, etc., le tout chargé sur les deux plus gros moutons (car les brebis entrant alors en chaleur, les deux béliers qui portaient ordinairement les deux besaces devaient être parfaitement libres). J’avais un briquet pour allumer du feu : car Jacquot en allumait souvent avec des broutilles, soit pour faire réchauffer son halte, ou pour faire cuire des œufs d’oiseaux, ou les cailles et les alouettes qu’il prenait ; car il était friand. Je l’imitais en cela, et je faisais du feu entre deux pierres.

Muni de tout ce qui m’était nécessaire, je regagnai