Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/173

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s’est depuis renouvelée, toutes les fois que je l’ai relu, pendant mon enfance.

j’avais encore deux objets de curiosité à satisfaire : c’était de voir par moi-même le Livre des Noëls, que mon père nous chantait, durant les soirées des Avents, et dont il passait un grand nombre, que j’aurais bien voulu connaître. L’autre objet de curiosité, était la Bibliolhèque bleue ; mon père, pour nous exciter à la lecture, avait l’adresse de nous dire merveille de ces contes bleus ; tels que Jean-de-Paris, Rohert-le-Diable, et surtout Fortutnatus, avec son petit chapeau, dont l’histoire me paraissait la plus admirable. Il me fallait voir l’écouter, l’œil fixé sur sa bouche, la mienne entr’ouverte ; j’étais immobile, à moins que je ne tressaillisse d’aise… Mon avidité d’entendre des contes m’avait toujours fait rester aux veillées, quand mon père était au lit, pour écouter des histoires de voleurs ou de revenants, qui faisaient sur moi une impression si forte, que je n’osais ensuite aller seul jusqu’à mon lit. Ces récits troublaient ma digestion, et j’avais ensuite des rêves, ou plutôt des visions terribles.

Ce n’étaient pas les seules choses qui émussent en moi toute la machine. D’autres récits intéressaient mon physique aussi fortement. Tels étaient ceux de maladies singulières, que se plaisait à faire mon frère de mère Boujat, étudiant en chirurgie, lorsqu’il venait passer quelque temps à la maison. Je l’écoutais avidement ; mais dès qu’il était question de quelque rupture de vaisseau, ou simplement d’hé-