Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/179

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écrire ; je ne pus jamais me résoudre à ne faire que de grosses lettres isolées et sans signification ; je voulais écrire enfin sur-le-champ et copier des livres. Je fus menacé du fouet que je craignais, par deux motifs qu’on sent, plus que personne ; la vanité l’emporta ; je griffonnai toujours en homme et je n’écrivis jamais en enfant. Le maître fut obligé de me céder, et mes parents approuvèrent son indulgence, se réservant de me mettre bientôt sous un homme qui saurait me subjuguer)… Revenons à mes talents.

Ma mère, quoique très adroite et très soigneuse, n’élevait que difficilement les oiseaux aquatiques, et elle n’avait pas encore réussi pour les poulets dindes. Une attention infatigable me fit triompher des obstacles. J’eus peu de peine pour les canards et les oies ; je leur fis, dans la cour, une petite mare, avec une bonde, pour la nettoyer tous les jours : je la remplissais tous les soirs de l’eau du puits, et le lendemain elle se trouvait suffisamment aérée. Je savais qu’il ne fallait pas que les jeunes dindes fussent mouillées ; je les préservai de la pluie et du froid. Je réussis. Ma mère était enchantée ! Mais mon succès même m’attira un désagrément. Mon père, à qui elle en parlait devant moi, lui dit qu’il augurait mal de cette grande aptitude aux petites choses ; il assura qu’il fallait m’en dégoûter, en engageant mes sœurs aînées à se moquer de moi, par l’insultant sobriquet de Metteur de poules couver. J’entendais ce discours de sur mon pommier, et je