Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/197

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la tête. Un moment après, elle ajouta : — « Attendez encore. » Le jour suivant, je n’eus pas de fièvre. Julie parut contente. Mais le troisième jour, le frisson annonça un accès terrible ! Julie était à côté de moi, quand il commença. — « Vous pâlissez ? » me dit-elle. — « Oui je sens la fièvre qui me vient au galop. — Ah ! je voudrais que votre pays fût plus éloigné, ou que du moins vous n’eussiez pas une sœur ici ; je vous emmènerais chez nous ; je vous soignerais, comme j’ai soigné mon père, qui disait qu’il ne l’aurait jamais été aussi bien par personne que par sa Julie… Mais vous avez une sœur ici, et vous êtes d’un pays trop voisin. Croyez-moi ; allez chez vos parents : la maladie ne veut pas être traitée chez des étrangers, tels bons qu’ils soient ; s’ils ne vous gênent pas, vous vous gênez vous-même… Il m’en coûte à vous donner ce conseil ! et je crois que vous me connaissez assez, pour n’en pas douter. » J’étais ému par la fièvre et par la bonté de Julie ; je lui baisai la main… Les larmes lui vinrent aux yeux : « Mon Dieu ! que je voudrais, cher petit ami ! que tu fusses de Paris, ou de Dijon ! — Adieu, Mademoiselle ! » (je ne croyais pas que ce fût pour toujours !) « Je m’en vais chez nous. — Pas aujourd’hui, dans l’accès ! — Il ne me faut pas une heure de marche ; et j’y serai avant la fièvre chaude… » Elle me donna deux oranges, les seules peut-être qui fussent dans le pays, et les premières que j’eusse vues. Elle me dit de m’en parfu-