Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/207

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réprimer. Ils avaient quinze à seize ans, ou même dix-sept, et ils étaient dans cette effervescence que cause le premier développement d’une faculté nouvelle ; la misère les mettait au-dessous de tout le monde : elle leur avait donné l’envie, leur avait abaissé le courage et les avait rendus méchants. Une autre vérité, que tout m’a prouvé dans la suite, c’est que les pauvres non abrutis ont les passions basses excessivement fortes, et que leur lubricité féroce est beaucoup plus exaltée que celle des riches. Les pauvres ne jouissent de rien, et ils désirent tout avec violence ; toutes les filles sont au-dessus d’eux, et ils voudraient les violer toutes ; car la tendresse est inconnue à leur âme avilie. Il faut avoir vu les effets de cette passion, dans les pauvres vigoureux, pour en avoir une idée. Je dis ici ce que j’ai vu[1], non

  1. Concitoyen lecteur, il est peu de vos écrivains polis, de vos jolis versificateurs, qui puissent vous apprendre ce que je vous apprendrai. Lisez-moi avec courage, malgré mes détails enfantins, car ils sont nécessaires, et vous verrez, après m’avoir lu, que vous saurez des choses dont vous ne vous doutiez pas. Je n’ambitionne point, comme vos dramatistes et vos philosophes, de vous étaler de grandes vérités que vous savez : je laisse tout cela, autant qu’il est possible ; vous avez Voltaire, Rousseau, Buffon, qui, malgré de fréquentes erreurs, vous instruiront là-dessus mieux que moi. Je vous prie seulement de remarquer les choses neuves que je vous dirai bonnement, simplement. Songez que je dois plus vous intéresser qu’un voyageur menteur, qui vous rapporte des histoires par ouï dire de pays éloignés, que vous ne verrez jamais ; qui romanise l’Afrique, les Boshis, les Cafres et surtout les Hottentots, comme a fait un certain Vaillant. Moi, je ne vous parle que de votre pays, à cinquante