Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/214

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aurait été bien plus forte, si mon père n’avait pas été adoré dans Nitry, si je n’avais pas été aussi bien habillé, et si je n’avais pas été au milieu de parents, qui avaient de moi la plus haute opinion non méritée… Edmée nous laissa, pour aller à sa place, et j’en fus bien aise : elle me causait une émotion trop vive ; ensuite, elle était trop formée pour moi, et j’entrevoyais avec peine qu’elle serait le partage d’un autre. Je sentais seulement que j’aurais bien désiré avec elle la scène de Nannette, et, mieux encore, celle de Julie.

Arrivés dans l’église, nous vîmes tout le monde se lever, pour nous regarder d’abord ; un instant après, les regards se portèrent vers la grand’porte, ouverte à deux battants. Une grande, belle et grosse fille arrivait entre ses deux frères, hauts de six pieds, et aussi beaux qu’elle. Elle était en blanc, toute couverte de rubans rouges, bleus, verts ; son teint effaçait l’éclat des roses, dont elle avait un gros bouquet ; elle était plus éblouissante que jamais dame ne me l’a paru depuis à Paris, avec des diamants, du blanc, du rouge, et tout ce que l’art peut inventer, pour relever l’éclat des charmes. Elle effaçait Nannette, qui, onze mois auparavant, m’avait causé mes premiers désirs : c’était une belle fleur dans son plus bel épanouissement. Tous les yeux s’étaient fixés sur elle. Ma tante, voyant que je la regardais, me dit : — « C’est Ursule Lamas ; son père était le plus grand ami de votre père dans sa jeunesse… Ursule ? » lui dit-elle, « devines-tu