Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/217

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yeux. Elle me parla de ce ton de bonté qu’ont les bonnes femmes de mon pays. J’avais à Nitry un autre bel-oncle, mari de ma tante Marie, sœur cadette de mon père, nommé Pierre Leclerc. Ma tante me mena chez lui, pour lui rendre mes devoirs : c’était un grand et bel homme, mais indolent, peu soigneux ; il avait avec lui un fils, plus âgé que moi d’un an ou deux. Nous fîmes connaissance. Mais le jeune Leclerc était jaloux contre moi ; ma tante ne lui faisait pas la moitié des caresses qu’elle me prodiguait. Elle s’aperçut de sa peine, et l’excellente femme lui dit : — « Leclerc ? crois-tu que je » ne sache pas que tu es fils de ma sœur, et que tu es comme orphelin, depuis quatre ou cinq ans qu’elle est à Paris ? Mais, mon neveu, permets-moi d’aimer un peu mieux ton cousinn, à cause du nom qu’il porte : c’est celui d’un père révéré. Et puis d’ailleurs tu es tous les jours ici ; et ton cousinn qui n’y est qu’aujourd’hui, peut-être ne le reverrai-je jamais ! » Elle s’attendrit ; car elle n’ignorait pas le projet de mon père de me conduire à Paris, le prochain automne, auprès de l’abbé Thomas. Leclerc parut se contenter de cette excuse. Ma tante emmena le père et le fils dîner avec nous. De mon côté, comme je n’ai jamais aimé à me prévaloir, que je souffrais au contraire d’une préférence trop marquée, je devins attentif pour le jaloux. Ce qui fut remarqué de ma bonne tante ; car elle dit à mon père, de manière à ne pas être entendue des Leclerc : « Je devinerais un Restif, que je n’aurais jamais vu,