Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

arriva M. Jean Restif[1], suivant sa promesse. Mon père avait été au devant de lui jusqu’à Nitry, seul, quoique je lui eusse demandé à l’accompagner, et qu’il me l’eût d’abord promis. Jean Restif avait une chaise, car il était fort riche. J’étais curieux de voir cet homme respectable, d’une vertu rigide, et dont mon père parlait sans cesse, à cause de la reconnaissance qu’il lui devait. Il était mis plus que simplement ; un vieux habit de drap gris, ses souliers coupés, à cause des cors aux pieds ; il marchait difficultueusement. Je fis ces remarques en le conduisant à l’église par derrière les murs, comme il l’avait demandé à mon père. Dès que nous fûmes seuls, Jean Restif m’interrogea : — « Mon petit cousin, que lisez vous ? — La Bible, monsieur l’Avocat ; et mon père nous la lit tous les soirs. — Qu’y avez-vous remarqué ? — Ho ! la création du monde ; et comment Adam pécha tenté par Eve, qui l’avait été par le vilain serpent, qui parlait ; et comme ils furent chassés du Paradis terrestre. Et puis il y a Caïn, qui tua son frère Abel ; et puis le déluge universel ; ho ! j’aime bien la colombe, que Noë envoya deux fois, et qui revint la seconde avec une branche verte dans le bec ; et puis il y a Cham ; et puis Abraham, qui allait immoler son

  1. J’ai deux lettres de son petit-fils, receveur des tailles à Grenoble ; son oncle, fils de Jean Restif, était à Vienne en Dauphiné. Je les ai rapportées en tête de la troisième édition de la Vie de mon père. Si J. Restif est mort en 1743, sa visite a précédé.