Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/70

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Je m’échappais, les dimanches, dés que j’avais dîné, pour aller chez ma belle, moins pour les chatteries qu’on me prodiguait, que pour recevoir les caresses, fort vives ! de Marie, et pour être porté sur ses bras, en allant aux vêpres. Je me crois obligé de spécifier ici ces caresses, qui ont été préjudiciables, non seulement à mes mœurs, mais à ma santé, en donnant, par la mémoire, avant le développement des forces, trop d’élan à mon imagination brûlante. Marie me baisait sur les joues, sur les lèvres, que j’ai toujours eues appétissantes. Elle allait plus loin, quoique tout de sa part fût de la plus grande innocence ; elle mettait sa main sous mes petits jupons, et se plaisait à me fouetter en chatouillant. Enfin, elle allait plus loin encore,… et alors elle me dévorait de baisers[1]… Je le répète, Marie était innocente autant que moi-même ; mais elle s’abandonnait à un penchant aveugle : témoin du goût que ses sœurs, et toutes les autres filles, avaient pour moi, elle se trouvait si flattée de la préférence qu’elle obtenait, que le sien devenait passion. Ma figure délicate, efféminée, plaisait in-

  1. Pour exprimer ceci, j’emploierai une langue savante, que les hommes seront forcés de traduire décemment aux femmes : Mentulam testiculosque titillabat, quoadusque erigerem ; innc subridebat velatis oculis humore vitreo, et aliquoties deficiebat… Et moi, je lui rendais ses caresses, avec un rire d’aise désordonné… C’est ainsi qu’une suite de petites causes contribuaient à développer et à fortifier ce tempérament erotique, qui va étonner, et qui me précipitera dans tant d’écarts !… Grande leçon pour tous les parents qui ont des enfants d’une agréable figure !