Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/74

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Ma mère me comprit ; elle m’embrassa, et voulut que je mangeasse la tartine, par récompense d’avoir dit la vérité. Mais il résulta de ma naïveté un inconvénient immanquable ; mes sœurs en rirent ; on, chuchota. J’avais l’ouïe très fine ! j’entendis qu’on disait à ma sœur Margot, presque aussi simple que moi : — « Est-ce qu’une toile peinte pleure ? » Je compris que la toile peinte était la Vierge ; je l’examinai bien dans la suite, quand mes sœurs me dirent qu’elle riait ou qu’elle pleurait ; je vis qu’il n’en était rien, et je perdis la foi, avant que de raisonner. J’avais pourtant les faits en faveur de ma croyance ! Avant le mot entendu, j’avais toujours vu la Vierge pleurer, dés que j’avais menti : mais je les eus également ensuite ; car la Vierge ne larmoya plus, tel mensonge que je fisse… Si l’on avait donné une autre base à l’horreur qu’on me voulut inspirer pour le mensonge, elle aurait été moins efficace d’abord, mais durable.

La cause de la crainte excessive que j’ai des chiens[1]

  1. religieux soit encore en usage : quelle force peut-il avoir sur des philosophes, comme tout le monde l’est dans notre siècle ?… On demande qui a détruit la religion ? Les lumières et les prêtres. Les lumières ont détruit le dogme, et les prêtres la morale. Avec quelle impudence ces derniers n’ont-ils pas osé contrarier leur législateur jusque dans les moindres choses ! Soif des richesses interdites, soif des honneurs, au lieu de l’humilité prescrite ; désir de la vengeance, poursuite des procès… Ha ! les imprudents ! ils ont dit tout bas, entre eux : « La religion Chrétienne est fausse ; il faut la faire servir à nos passions ! … » Mais les peuples les ont entendus, comme j’entendrai mes sœurs.