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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/115

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fauds[1], qui tenaient à l’enclos même, et cette partie de plaisir se faisait le dimanche après les vêpres, que le pasteur avait la bonté d’avancer ; ma mère, qui s’était préparée pendant toute la semaine, régalait de lait battu, auquel elle joignait des galotes, petits morceaux de pâte pétris au lait et cuits dans une sorte de bouillie ; mets excellent, parce qu’il rassasie, dans un pays ou l’appétit est dévorant ! Le fenage avait fait remettre au suivant le beau dimanche de Marguerite, qui vint avec toute la Jeunesse : je lui tins fidèle compagnie. Lorsque l’ouvrage fut achevé, j’allai lui chercher une écuelle de lait, et une terrinée de galotes ; je m’assis à côté d’elle dans le chaffaud ; elle mangea, et nous causions. Je lui répétai la demande que je lui avais déjà faite. — « Volontiers, » répondit-elle comme la première fois, avec une innocence qui m’étonne encore ; « car je vous ai toujours aimé : vous n’étiez pas fait pour moi, ni moi pour vous. Voyez s’il n’y a personne dans le chaffaud ?… — Personne ; les garçons, les filles, votre mari, sont tous à manger. » Nous étions dans un endroit retiré. — « Je veux vous tout apprendre, » me dit-elle. (Je suis sûr qu’elle était dans une parfaite innocence ; j’en ai eu depuis les preuves ; mais moi, avec ma feinte ignorance, ma piété, et un autre amour dans

  1. Chaffaud, ou chafaud : grenier à foin en Basse-Bourgogne. (N. de l’Éd.)