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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/141

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pubères ; enfin, j’étais un peu intéressé, comme tous les paysans, et quoique violemment épris, je ne sentais pas encore toute la force de mon attachement pour Jeannette. (Lecteurs, accoutumés aux symétriques vraisemblances des romans, ceci vous déroute ; mais je vous préviens qu’il faut vous y accoutumer). — « Oh ! sœur Marguerite ! » m’écriai-je, que vous êtes bonne !… Oui, je vais aimer votre filleule : elle est très jolie, je vous assure ! très aimable !… Ne trouvez-vous pas qu’elle ressemble beaucoup à Mlle Rousseau ? — Eh ! sans doute ! sans cela serait-elle très aimable ? — Oui, oui, bonne Marguerite !… Je me suis déjà dit cent fois que, si je n’avais pas vu Jeannette, c’est Marianne que j’aurais aimée. » Marguerite sourit : — « Je suis sûre que vous lui diriez à elle-même un jour, si jamais elle était votre femme : Oh ! comme je vous aimerais, si jamais je n’avais vu Jeannette ! » Je pensais réellement que je serais heureux avec Marianne ; et voici la cause de mon erreur : ne parlant jamais à Jeannette, ne l’osant, ne le pouvant pas même, mon amour n’avait pas cette assurance, que donne la communication libre entre deux cœurs qui s’électrisent mutuellement. Cette passion d’ailleurs me faisait souffrir ; elle ne disait rien à mes sens. Je désirais d’aimer Jeannette, de la rendre heureuse, de lui être dévoué, quand elle serait ma femme, plutôt que d’en être aimé : mais, dans ce cas-là même, mon imagination ne me représentait seulement pas