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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/151

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yeux de leur dévote mère et ne pouvaient ni se parler dans la journée, ni coucher ensemble sans sa permission. Je fus placé entre la jeune et belle Sophie Jeudy et sa cousine, Marguerite était de l’autre côté de Sophie ; Mme Jeudy ensuite, puis le pauvre mari. Une jeune et jolie cuisinière, appelée depuis Marianne Cuisin, nous servait. La beauté de Sophie m’interdisait d’autant plus, que je l’admirais davantage : je n’étais jamais timide avec les personnes inconnues dont je ne me souciais pas ; je palpitais de désir à la vue de ces charmes délicats ; je ne pouvais presque manger. On appelait encore Sophie, quoique mariée, Mlle Jeudy (il faut avouer qu’il n’est que les honnêtes gens, ainsi que les Jansénistes s’appelaient entre eux, pour ces procédés-là !), ou simplement Sophie : je trouvais ce nom charmant ! mon imagination travaillait, travaillait ! J’étais brûlé d’un feu couvert qu’excitaient les tendres appas de Sophie, et tout à la fois aise et fâché de dîner dans cette maison. « Qu’elle est jolie ! » pensais-je ; mais je ne sentais que des désirs… Enfin, le dîner et la gêne finirent, et avec eux le plaisir de regarder en dessous la provocante Sophie. Mais en sortant de table, j’aperçus à une porte, du côté de l’horloge, une jeune personne encore plus belle que Sophie, puisqu’elle ressemblait à Jeannette et qu’elle m’inspira les mêmes sentiments : c’était une jeune et grande fille, fluette et joncée, pâle, mais dont la forme du visage avait une douceur, un charme inexprimable ; sa vivacité, son rire charmant, cet air de ville, aussi séduisant