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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/163

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ment… Rappelé à moi-même, il lui fut aisé de me renvoyer : toute mon âme s’était liquéfiée à la fois, et j’étais dans une sorte d’épuisement. Je dormis jusqu’au lendemain grand jour : on m’avait laissé au lit, à cause de la fatigue de la veille. Lorsque je fus debout, je profitai du premier moment de liberté, pour entrer dans la cuisine, j’y trouvai Marguerite à genoux, fondant en larmes. Je courus l’embrasser. Cette bonne fille, dont la piété n’était pas grimace, ne me rebuta pas : « Puissé-je, » me dit-elle, « porter seule tout le poids d’une aussi grande faute, à laquelle j’ai donné lieu par mon imprudente histoire (quoique je n’aie pas tout dit) !… Monsieur Nicolas ! je suis bien fâchée que vous ayez mis cette tache sur votre vie ! Si jeune encore, vous aurez longtemps à vous repentir !… Vous avez empoisonné ce qui faisait auparavant votre bonheur ! et je tremble qu’un jeune garçon, dont le cœur était si bon et si tendre, ne devienne un jour libertin, et d’y avoir contribué !… Mon fils ! mon cher enfant ! qui m’avez si cruellement outragée ! diminuez ma douleur, en conservant vos premiers sentiments pour Jeannette Rousseau, parce que cet amour-là est le seul qui soit pur dans votre cœur, puisqu’il vous porte à la vertu !… Ne devenez pas libertin. Monsieur Nicolas ! je vous en prie par ces larmes, que vous seul faites couler ! vous forceriez et vous outrageriez la Nature, qui vous a fait pour une jouissance unique et délicieuse avec une amante, et non pour rassasier une