Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/17

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l’arrête ! » [Hélas ! cet honnête et bon vieillard le pressentait-il donc ! ]

Le lendemain matin, mon frère me confessa : je ne sais si c’était uniquement pour faire son métier de prêtre. Vers le midi, mon père arriva. Mon frére, et surtout le bon chapelain, qui lui parla longtemps en particulier, le remplirent de joie : je voyais qu’il me regardait avec cette paternelle satisfaction, si douce, inconnue à nos malheureux célibataires. Nous quittâmes Courgis vers les trois heures. Le curé, ainsi que le chapelain, nous reconduisirent jusque vis-à-vis de Montalery, où ils nous quittèrent.

Nous continuâmes notre route gaiement. À la vue d’Auxerre, qui s’élève en amphithéâtre sur une colline, moi, qui n’avais jamais vu que de chétifs villages, je fus frappé, saisi d’admiration !… Nous avançâmes. Je n’avais jamais vu de pont ; nouvelle surprise ! je tremblotais d’émotion et de respect. Nous allâmes nous loger prés du port. En traversant la ville, mon père me fit passer devant la cathédrale, qui me parut l’ouvrage des Fées. Saint-Christophe m’effraya ; mais il me rappela Nitry, Mont-Gré… L’horloge me ravit, surtout la boule des lunes, comme celle de la Sorbonne, à Paris. Tout le monde me paraissait riche, et je le dis à ma manière : « — Il n’y a donc ici que des messieurs ?… » Toutes les femmes me paraissaient jolies ; semblable aux enfants, j’étais ébloui par les colifichets de ces poupées. À notre arrivée à l’auberge, nous trouvâmes ma mère sur le port, conduite par M. Chambonnet,