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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/191

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savez que je désire. — Oui, je vous le prouverai, mais non de la manière que vous le demandez : je crains Dieu, et ne veux pas l’offenser… Mais vous êtes, à présent, l’être que je dois le plus aimer… je suis grosse… » À ce mot inattendu, je pâlis, non de la crainte d’épouser Marguerite : en ce moment, subjugué par sa présence, par ses attraits et par mon devoir, j’y eusse consenti sans peine ; mais je vis un nuage de réprimandes se former sur ma tête, et, sous mes pas, un abîme d’anéantissement… Comment étudier marié ? ce fut ma première crainte ; Jeannette ne s’offrit à ma pensée, que durant le discours suivant de l’excellente fille : « Tu te troubles, » me dit-elle ; « crains-tu de m’épouser ? — Non ! non ! » m’écriai-je ; « non, Marguerite ! Tu m’es chère ; tu me l’es doublement, par ta grossesse. Tu me l’es comme Glycérie l’était à Pamphile ! — Je suis contente, » reprit Marguerite ; « le père de mon enfant a l’âme sensible… Va, mon ami, je n’exigerai pas un pareil mariage. Je t’aime tendrement ; mais je t’aime pour toi. Ne crains pas que je dévoile mon état ! Ne crains pas que je veuille te donner une femme qui a plus du double de ton âge, et qui serait vieille dans la force de ta jeunesse ! Non, mon cher ami ; songe à Jeannette, et ne t’occupe que d’elle ; qu’elle soit un jour ta femme ; c’est avec elle seule que tu peux être heureux… Moi, je te ferais manquer ton bonheur ? je t’exposerais aux peines cruelles dont tes frères