Aller au contenu

Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
1749 — MONSIEUR NICOLAS

qu’elle me cause est ma première punition… Je vous supplie (s’il est permis à un coupable tel que moi de demander une grâce) d’épargner une peine cruelle à ma mère ! Que je sois puni au double et qu’elle n’ait pas ce chagrin !… — Vous parlez bien ; vous paraissez penser ; vous n’en êtes que plus coupable. Mais je suis père : si vous l’êtes un jour, je remets là votre punition ; vous sentirez ce que j’ai dû souffrir !… » (Malheureux ! je fus charmé de cette remise de ma peine au temps où je serais père !… Ah ! cette peine remise à un temps éloigné, je l’ai complètement subie ! je la subis encore, et je la porterai jusqu’à mon dernier soupir)… En achevant ces terribles paroles, mon père me fit signe d’approcher ; il m’embrassa la larme à l’œil, et me dit : — « La Jeunesse insensée court à sa perte, et donne des armes contre elle-même. Ceci est bien malheureux pour un père, qui a vu bien plus et bien pis qu’il n’attendait ! Des années n’effaceront pas cette tache… Retournezvous-en et changez… »

Je m’inclinai, je partis, et j’entendis deux mots terribles ! que je ne compris pas alors, que prononça mon père, en s’éloignant : « Ô mon Dieu ! la Vertu même a péché aujourd’hui ! »

J’avais fait environ une demi-lieue avec mon père, sur le chemin de Saint-Cyr. Je revins si concentré, qu’à la porte du presbytère, je croyais encore entendre les remontrances paternelles. L’abbé Thomas ne me dit rien. Je paraissais absorbé ; je pris un