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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/236

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1749 — MONSIEUR NICOLAS

tout le monde, d’accumuler sur moi la honte, le mépris, la haine ; que sais-je ! de se donner peut-être des moyens pour me mettre… J’avais vu la Correction de Bicêtre… Je ne pus trouver d’expressions pour répondre ; je gardais un morne silence, qui confirma le curé dans ses idées. Il redoubla les prières et les exhortations qu’il me faisait. (Je suis persuadé aujourd’hui, que ce n’était pas une comédie ; le curé me croyait coupable ; mais il le croyait, parce qu’il ne m’aimait pas). J’étais dans un trouble inexprimable, et ce moment a été l’un des plus cruels de ma vie ! Je voyais, avec une douleur d’indignation, la mauvaise opinion qu’on avait de moi, opinion qui faisait interpréter au plus criminel toutes mes actions et mes omissions. Je restais muet, de peur de parler mal à propos, ou plutôt ma langue était liée ; il m’était physiquement impossible de parler, quoique je sentisse qu’il l’aurait fallu. Le curé paraissait navré de douleur ; je conviens qu’il était pieux, qu’il aimait son ministère et la Religion, comme un bon fils aime sa mère, un bon mari sa vertueuse épouse ; il dut beaucoup souffrir ! mais je souffrais bien davantage !… Ne pouvant rien tirer de moi, il me renvoya.

Il dut sentir alors combien il est important de se faire aimer de ses élèves, lui, qui recommandait si bien l’amour de Dieu, au lieu de s’en faire craindre, ce qu’il avait toujours fait. Si j’avais eu le plus petit degré de confiance, j’aurais parlé tout bonnement, comme je fis dans la suite à mon père et à ma