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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/28

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me demandant ce que je voulais. Son mari, plus clairvoyant, lui dit : — « Hé ! c’est un petit Bourguignon, je gage ? » Mon père parut. Ma sœur courut à lui et l’embrassa les larmes aux yeux, salua son frère, et vint ensuite à moi : — « Il n’est plus si joli, » dit-elle ; « mais qu’il soit bon ! c’est tout ce qu’il faut. » Elle ne pouvait revenir de sa surprise du changement qui s’était fait en moi : de blond, comme ma mère, j’étais devenu brun comme mon père ; mes cheveux, autrefois bouclés, accompagnaient longuement mon long visage, maigri par la fatigue et la route, qui m’avaient fort noirci ; et l’on sait que les grêlés ne peuvent être agréables qu’à l’aide de beaucoup de blancheur. On servit le diner, pendant lequel on me fit causer. En venant avec mon père et mon frère, qui conversaient ensemble, j’avais toujours été devant eux, observant avec surprise ce qui frappait mes regards ; je ne me sentais pas du tout sauvage à Paris ; je le trouvais mon élément naturel. On me demanda ce que j’avais remarqué. Je rendis compte de quelques observations puériles sur les boutiques, les marchandes, les laquais. Ensuite, je fis un tableau, le premier de ma vie. Je n’avais pas encore pris les leçons de Coqueley-Chaussepierre, pour faire sérieusement rire : — « Mais… ha ! ha ! ha ! ce qui m’a le plus étonné » (quittant la table pour mieux figurer), « c’est une jeune fille moitié nue, car elle n’avait des jupons en loques que jusqu’aux genoux, des souliers percés, des bas de boue, avec un casaquin à travers