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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/43

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Un jour, on nous envoya, Fayel et moi, chez la Sœur Supérieure, pour demander un renouvellement dans notre vestiaire épuisé. Nous ne trouvâmes pas la Mère, mais à sa place, une jolie Secrétaire. Elle envoya Fayel auprès de la Supérieure, qui l’aimait beaucoup, et elle me garda. C’était une brune de vingt ans ; elle me fit cent questions, sur mon pays, ma famille. De temps en temps elle allait regarder à une porte. Elle paraissait désirer quelque chose, et m’obligeait à la regarder ; et voyant que mes yeux ardents démentaient la timidité de mes actions, elle alla s’imaginer… la vérité… Elle courut regarder encore, et revint avec vivacité, en étendant les mains, de joie, ou d’étonnement. Elle vint s’asseoir, me tira sur elle, et me dit : — « Qui est-ce qui vous peigne ? — Une demi-sœur. — Est-elle jeune ? Est-elle jolie ? — Non, ma sœur. — Non, ma sœur, non, ma sœur… Vite là, que je vous peigne. » Je me mis à genoux devant elle. Sœur Mélanie m’enfonça le visage entre ses cuisses : — « Est-elle plus vieille que moi ? — Ah ! ma petite sœur, vous êtes jeune. — Ma petite sœur ! ma petite sœur ! » disait-elle en s’agitant… « Et plus jolie ? — Vous êtes la plus jolie des sœurs ! — Ah ! mon petit homme ! … » Et elle s’agita. Un instinct, et un double souvenir me fit me lever, et me jeter à son cou. Je la poussai vers sa jolie couchette. — « Eh ! le pauvre petit homme ! » disait-elle en riant, et reculant d’elle-même, « que veut-il donc ? » J’étais emporté. — « Que veut-il donc ?