Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/57

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gravés… Mais voici la chose étonnante que j’ai annoncée.

Un des prêtres de la maison, nommé Aubry, qui, disait-on, ressemblait à Santeuil pour la figure et la bizarrerie, fit un dimanche le sermon à vêpres. Il parla de la damnation, et tâcha de faire concevoir à ses auditeurs, comment on passait de l’état de pécheur vivant à celui de réprouvé mort. Ses raisonnements me parurent si clairs, que je lui donnai toute mon attention. Cette matière, d’ailleurs, m’intéressait fortement, d’après mes petits écarts avec les sœurs, qui devaient être, d’après mon propre calcul, autant de péchés mortels. Aussi craignais-je l’enfer, comme Épicure imberbe craignait le Tartare : « Pécheurs ! » s’écriait Aubry, « n’accusez pas la Divinité de manquer de puissance et de bonté, lorsqu’elle vous laisse tomber au fond du gouffre de l’enfer. Parfaitement libres, vous avez fait votre sort ; et voici comment : Dieu est l’ordre par excellence ; le péché est désordre par sa nature : quand vous êtes parvenus au terme de la vie, dans l’amour du crime, ou du désordre, pécheurs, et que vous y mourez ; à l’instant fatal où votre âme est séparée de votre corps, elle n’est plus susceptible d’impressions nouvelles ; éternellement elle conservera celles qu’elle eut pendant sa vie, jusqu’au moment de sa séparation d’avec son corps et ses organes. Si vos dispositions, à ce moment décisif, mes chers auditeurs, sont l’amour de Dieu, ou de l’ordre ; si, par une bonne vie,