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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/84

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noirceur rendait encore plus touchant, pénétra jusqu’à mon cœur, en me rappelant une belle noire que j’avais vue dans l’ancienne estampe de la Toilette d’Esther. Je levai les yeux vers elle en souriant, la bouche entr’ouverte ; elle crut que je lui demandais un baiser. Elle appuya légèrement ses lèvres brûlantes sur les miennes. Je me sentis tout en feu ! Sans être retenu par ma petite qualité de petit confesseur de Jésus-Christ, qualité qui me donnait une certaine morgue depuis quelque temps, je pris une liberté. Esther, loin de se défendre, se mit à rire en me disant : « Mon pitit blanc ! mon pitit blanc ! Je aime lé blancs et pas lé noirs ; pis-tu sortir ? » Je lui dis que je ne voulais aller nulle part, mais que ma sœur et mon beau-frére ne viendraient pas de plus d’une demi-heure. Je vis les yeux d’Esther étinceler, elle vint sur moi en effrénée… J’étais à demi savant, Esther l’était beaucoup en théorie, et surtout elle était passionnée. « Mon pitit blanc », me disait-elle, « tu auras mon étrenne à cause de ta sœur qui est julie femme et que j’aime bien ; et pis, après, le grand noir m’ipousera s’il veut… » Je n’entrerai pas dans de lubriques détails ; si j’en faisais jamais de ce genre, il faudrait qu’ils fussent absolument nécessaires à mon but… Je dirai seulement qu’après différentes tentatives, je parvins à ce qu’elle désirait. L’accident qui m’était toujours arrivé, et que les jolies sœurs de Bicêtre aimaient tant, m’arriva encore et fortement ! je m’évanouis… La jolie noire, effrayée, s’enfuit. Je revins à moi