Aller au contenu

Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ma langue se lia ; je restai en arrière. Caché par des buissons, au moment où j’aperçus les collines chéries du Pilet et de Côte-grêle, mon cœur bondit, et mes larmes coulèrent : je me prosterne, et baise la terre natale… L’abbé Thomas m’appelle ; je m’avance, et je découvre le Vaudenjean, la Farge, Triomfraid, le Bout-parc, derrière lequel était mon vallon ; je me prosterne encore, et je bénis Dieu. Appelé de nouveau, mes regards attachés sur ces campagnes, ayant les yeux ruisselants, j’abordai l’abbé Thomas sans le voir. Il me demanda pourquoi je ne répondais pas quand il m’appelait ?… Je ne répondis pas encore à sa question ; mais, lui montrant les cantons où j’avais été berger, je lui dis : — « Monsieur, voilà le Pilet ; voilà Maurepos ; c’est là que Jacquot, la première année qu’il fut berger, me montra un nid d’alouette huppée » (on la nomme cochevis). « J’allais le voir tous les jours : il était dans un sombre, sous un gros chardon ; il y avait cinq œufs » (et je suffoquai, comme si j’avais fait le récit le plus touchant)… « Je n’ai pas voulu prendre les petits ; je les ai laissés tous sauver, à l’exception du bosculon, dont je fis… » (Je m’arrêtai, n’osant dire que j’en avais fait un sacrifice, sur un merger, où j’avais construit un autel avec les plus grandes pierres. Je ne fis pas cet aveu à l’abbé Thomas, de peur qu’il ne m’accusât de sacrilège. Je continuai à lui montrer les différents climats du finage, en lui racontant à chacun ce que j’y avais vu, en y gardant le troupeau, soit en oiseaux de proie, lièvres, renards,