Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/95

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Au carnaval, il m’arriva deux condisciples, de mes anciens camarades : c’étaient frère Charles Huet et frère François Melin, qu’on n’appela plus qu’Huet et Melin. Ceux-ci ne devaient pas apprendre la langue Latine : leurs parents étaient protégés par de riches Jansénistes, qui faisaient élever ces enfants, mais qui ne voulaient pas qu’ils sortissent de leur état d’artisans. Insensés ! qui, en les rendant sectaires, en faisaient par là même des raisonneurs, à jamais ennemis du travail !… J’étais donc le seul qui étudiât, parce que mon père l’avait exigé ; l’abbé Thomas ne m’enseignait qu’à son corps défendant (je suis obligé de dire ici la vérité.) Outre qu’il était naturellement jaloux, et bassement envieux, comme tous les paysans, auxquels il tenait par sa mère, il existe, entre les Jansénistes et les Molinistes, une différence que personne peut-être n’a encore aperçue : les premiers sont ennemis des sciences qu’ils nomment profanes ; ils voudraient qu’on n’apprît, qu’on ne connût que la Religion. Les seconds, au contraire, interdisent la lecture de l’Écriture sainte, toute étude approfondie de la Religion ; mais ils ouvrent avec empressement la porte des sciences profanes. Je laisse au sage Lecteur à décider lequel des deux mérite la préférence.

J’ai dit que les commencements de mes études me décourageaient : mais plus je montrais de répugnance, plus on s’attachait à me forcer d’apprendre. Si j’avais agi par finesse, j’aurais été très fin ! mais c’était naturellement : le goût, et surtout