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Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/99

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Esther était un goût d’étonnement et de nouveauté : mais ce fut à Courgis que j’éprouvai le véritable amour. C’est dans ce bourg que l’homme se développa dans toute sa plénitude. Je fus tendre, timide, mais trop ardent pour être fidèle.

J’étais à Courgis depuis trois mois et demi, c’est-à-dire aux fêtes de Pâques, et je n’avais encore rien vu, parmi par les jeunes filles, capable de me faire oublier entièrement Julie. Pendant cet intervalle, mon corps avait achevé de se former, et mon imagination, qu’une faculté nouvelle rendait brûlante, avait plus travaillé que jamais. Comme elle était neuve et pure encore, elle me traçait un modèle aimable, auquel elle donnait toutes les perfections de l’esprit et du cœur, et elle me le présentait sans cesse, comme la source de mon bonheur. Ce modèle ne ressemblait à aucune des filles que j’avais encore vues ; mais il avait quelque chose de Marie Fouard, de Julie Barbier, d’Edmée Boissard, d’Ursule Simon, et surtout d’une nouvelle beauté de Laloge, Marie-Jeanne ; seulement il était plus parfait que chacune d’elles… Le jour de Pâques, mon âme était exaltée par la grandeur de la solennité. Les jeunes filles avaient leurs plus beaux atours ; le temple était parfumé de l’encens prodigué ; la grand’messe célébrée avec diacre et sous-diacre (le bon chapelain et l’abbé Thomas), avait une majesté imposante ; j’étais dans une sorte d’ivresse. À l’offerte, je vis défiler les jeunes communiantes, dont les plus jolies me parurent une jeune Nolin,