Page:Retif de La Bretonne - L’Anti-Justine, 1798.djvu/60

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la chair des bras. Il vint ensuite chercher sa chemise et un drap du lit, en disant : « Voilà un bon régal pour nos moines et pour moi. » Le terrible anthropophage mit le saladier dans la chemise, ensevelit le corps dans le drap, fit lever Vitnègre pour le coudre, puis il lui dit de publier le lendemain que sa femme se mourait, de la mettre le soir dans une bière, et que lui, moine, se chargeait de la faire enterrer. Et après lui avoir recommandé de bien effacer au grand jour toutes les traces de sang, il sortit vers les trois heures du matin, emportant son saladier de chair humaine.

Vitnègre pleura d’abord. Mais ayant entendu remuer, pour sortir, le lâche eut une frayeur si grande, qu’il alla s’enclore dans son petit cabinet. Nous sortîmes donc tout à notre aise. Comme nous traversions la petite cour, nous entendîmes les voisins qui disaient fort bas : « Il ne l’a pas tuée, voilà qu’on l’emmène. » Nous nous mîmes à fuir par de petites rues, dès que nous fûmes dehors, de peur d’être suivis. Et bien à propos ! Nous entendîmes courir, mais on ne prenait pas notre chemin. Je ramenai ma fille à sa pension, laissant là Timori pour observer, et lui promettant de revenir dans une demi-heure.