Page:Retté - Le Symbolisme. Anecdotes et souvenirs.djvu/189

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fort peu, consultait parfois Aurélien Scholl, son voisin de table, sur les assistants, puis, le front barré d’un pli profond, se retranchait dans le silence. Combatif comme il l’était, il se tenait évidemment à quatre pour ne pas nous décocher des coups de boutoir. Cependant son toast fut aimable. « Je bois, dit-il, en conclusion, au renouvellement de toutes les formules ; je bois à l’art de demain qui, forcément, ne sera plus celui que nous avons apporté ; je bois à tout ce que vous allez créer de nouveau ; je bois même à l’enterrement des aînés, mais je vous demande de leur faire de belles funérailles... »

Après le banquet, l’on causa. Zola, un peu détendu par notre cordialité, dit à quelques-uns d’entre nous qui l’entourions : « Ce qui m’étonne, c’est que vous ne semblez pas très bien savoir ce que vous voulez. Vous nous attaquez mais que voulez-vous mettre à la place de notre art ?

— Plusieurs choses, répondis-je, rendre à la poésie la place qu’elle mérite dans la littérature. Vous autres réalistes, vous ne faites aucun cas des vers. Nous prétendons prouver qu’ils valent la prose, s’ils ne la surpassent, pour exprimer des émotions intenses. Nous voulons aussi pratiquer un art d’idées et de sentiments que nous opposerons à votre art de sensations un peu frustes. Nous voulons enfin faire une part au mystère et au rêve. »

Zola m’écoutait attentivement. Quand j’eus fini de