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D I A L O G V EI I.

Mais encore ie ne deſire pas en luy vne ſi grãde hardieſ‍ſe, ie luy permetz, qu'il aime mieux vne ie ne ſcay quelle ſeureté de viure miſerablement, qu'vne douteuſe eſperance de viure aiſe.
Quoy ſi pour auoir la liberté, il ne luy faut que la deſirer ? S'il n'eſ‍t beſoin, que d'vn ſimple vouloir, ſe trouuera-il nation au monde, qui l'eſ‍time trop chere, la pouuant gaigner d’vn ſeul ſouhait ? & qui pleigne ſa volonté à recouurer le bien, lequel on deuoit racheter au prix de ſon ſang, & lequel perdu tous les gens d'honneur, doiuent eſ‍timer la vie deſplaiſante, & la mort ſalutaire.
Certes tout ainſi, que le feu d'vne petite eſ‍tincelle, deuient grand, & touſiours ſe renforce : & plus il trouue de bois, plus il eſ‍t preſ‍t d'en bruler. Et ſans qu'on y mette de l’eau pour l’eſ‍teindre, ſeulement n'y mettant plus de bois, n'ayant plus que conſumer, il ſe conſume ſoy-meſmes, & vient ſans force aucune, & n’eſ‍t plus feu. Pareillement les Tyrans plus ils pillent & exigent, plus il ruynent & deſ‍truiſent, plus on leur baille, plus on les ſert, de tant plus ils ſe fortifient, & deuienent touſiours plus forts, & plus frais, pour aneantir & deſ‍truire tout, & ſi on ne leur baille rien, ſi on ne leur obeyt point, ſans cõbatre, ſans frapper, ils demeurẽt nuds & desfaits, & ne ſont plus rien, ſinon comme la racine eſ‍tant ſans humeur, ou aliment, la branche deuient ſeche, & morte.
Les hardis, pour acquerir le bien qu'ils demandent, ne craignent point le danger, les auiſez ne