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VOYAGE

suffisante pour nous abriter, et nous vivrions ici dans la joie et l’abondance. Qu’en dis-tu, Marguerite ?

– Je crois, mon père, fit celle-ci, que notre existence serait oisive et sans aucun but.

— Vous oubliez, Monsieur, continua Wilkins, que les sauvages ne tarderaient pas à nous découvrir et à nous faire un mauvais parti.

— Sans compter, ajouta Jenny Wilson, que nous n’aurions pas la possibilité de nous vêtir convenablement quand les habits déchirés que nous portons seraient complètement usés.

— Allons ! cher père, les votes sont contre votre motion, observa Arthur. Moi aussi je pense que les sauvages connaissent le pays où nous sommes, et qu’un jour ou l’autre ils nous surprendraient traîtreusement comme ils ont voulu le faire.

– J’ai tort et j’en conviens, fit Max Mayburn.

— Voilà ce que nous allons faire, continua Arthur nous parcourrons la vallée en nous avançant du côté du grand fleuve, là-bas ; quand nous l’aurons traversé, nous saurons du moins que nous avons laissé nos ennemis sur ce bord, et nous garderons l’espérance de ne plus rencontrer de sauvages sur l’autre rive. »

En effet, le voyage continua à travers un pays accidenté de montagnes, de ruisseaux, de forêts. Du haut d’un pic élevé, nos explorateurs aperçurent un large courant d’eau qui leur parut ne pouvoir être franchi autrement que dans une sérieuse embarcation.

« Nous ferons bien d’aller en avant pour reconnaître le territoire, observa Hugues.

– Et bien vous agirez, ajouta Wilkins. Attention, seulement ; vous allez trouver d’énormes poissons, des limaces, des serpents et toutes sortes de reptiles. Oh ! ne tremblez pas ainsi, mistress Wilson. Moi qui vous parle, j’ai trépigné sur toutes ces vermines-là, et elles ne m’ont pas dévoré. Mais que vois-je ? un « rond noir » devant nous ! »

Le « rond noir » désigné par Wilkins était un espace en cercle, au centre duquel on avait allumé du feu peu de temps auparavant. Au milieu de ce campement se trouvaient des flèches à moitié finies, armées de pierres pointues, dont la provision était amoncelée en tas ; il y avait, en outre, une hache de pierre non montée.

« Je ne m’approprierai pas cette arme, fit Jack à Arthur ; mais, quant à cette pierre informe, elle appartient à tout le monde, et je vais, à l’aide de ce silex, façonner un instrument pareil à celui que j’ai là sous les yeux. »

Il va sans dire que Jack réussit à imiter le modèle ; Hugues avait coupé une branche d’arbre pour façonner le manche, et Gérald recueillait de la gomme d’un eucalyptus. De cette façon, Jack put se faire une hache très solide, et il eut l’envie de s’en fabriquer une seconde, tandis que tous les voyageurs le regardaient travailler en se reposant.

Max Mayburn ne se sentait pas à l’aise dans cet endroit fréquenté par les sauvages. On se remit donc en marche, et l’on parcourut la route aboutissant au fleuve, en traversant un territoire couvert de belles herbes et d’avoines sauvages en pleine maturité, dont on fit ample provision.