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AU PAYS DES KANGAROUS

pas sont ceux des « coureurs des bois » je vous le dirai bien vite. Voulez-vous que nous allions jusque-là ? »

Toute la petite caravane continua donc sa marche jusqu’au lit du courant d’eau.

« Ce sont là des empreintes de semelles de convicts évadés, s’écria Wilkins dès qu’il eut inspecté les traces. Ils sont au nombre de quatre et ont avec eux des chevaux. Sans aucun doute, ils ont fuit une prise quelque part, et je ne serais pas éloigné de croire qu’ils ont établi leur résidence là-haut vers le nord. Je crois maintenant que Black Peter allait rejoindre ces gens-là. »

Tandis que Wilkins s’expliquait avec Arthur, O’Brien et Hugues, s’aventurant en remontant la rivière, étaient parvenus devant une mare couverte d’oiseaux d’eau. Ils eurent la chance d’abattre deux paires de canards et reprirent bien vite la route qu’ils avaient suivie, pour rapporter ces excellents vivres au campement. Le feu fut allumé pendant qu’on plumait les palmipèdes, qui furent embrochés, rôtis et mangés avec la voracité de la faim.

Les voyageurs eussent bien voulu continuer leur chemin dans le lit du torrent, où ils eussent trouvé de l’eau et du gibier ; mais ils ne jugèrent pas prudent de suivre la même route que les bandits évadés de Melbourne et tout en soupirant, chacun rentra dans le désert en suivant la direction du sud. Ils emportaient de l’eau pour deux jours ce qui leur donnait bon courage, et, peu à peu, l’aspect sévère de ces plaines désertes ne leur parut pas si terrible qu’auparavant.

Et pourtant ce pays aride n’était pas aussi inhabité qu’on eût pu le croire. Pendant la seconde journée de marche, Gérald se mit à crier tout à coup :

« Un dindon ! un dindon ! »

Une volée de flèches, de javelots et le boomerang de Baldabella furent lancés contre l’oiseau, qui fuyait de buissons en buissons, et qui finit par s’élancer sur les branches d’un grand arbre. Ce poste était dangereux pour la pauvre bête qui ne tarda pas à être perforée par une flèche et tomba aux pieds des chasseurs.

La bête appelée dindon par O’Brien était bien plus grosse que cet oiseau des basses-cours de l’Europe. Ruth manifesta sa joie en voyant ce gallinacé, qui lui donnait l’espoir d’un renouvellement de volailles.

« Je ne me trompe pas, observa Max Mayburn, c’est là une méliagride, c’est un télégalle, ainsi nommé par le célèbre naturaliste Gould. Regardez les pattes, dont les doigts servent à l’oiseau pour courir sur terre, et pour grimper sur les arbres quand il s’agit de fuir les dingos, autrement dit les chiens sauvages de l’Australie. Cherchons maintenant le nid du télégalle, qui à l’exemple de l’autruche laisse au soleil le soin de faire éclore les œufs qu’il y pond. On assure que ces œufs sont délicieux à manger. Du reste, je serai bien heureux d’examiner cette construction, que l’on dit très curieuse. »

Sans aller bien loin, les voyageurs découvrirent une sorte de bûcher assez élevé, qui semblait avoir été fait par la main des hommes, tant il était ré-