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VOYAGE

Les « coureurs des bois » tinrent encore conseil, et finirent par se retirer, en laissant croire aux assiégés qu’ils allaient quérir du renfort.

« Ces coquins sont loin de ressembler aux compagnons de Robin Hood, observa Hugues.

— La désobéissance aux lois conduit droit au crime, répliqua Max Mayburn, et si les archers de Sherwood se livraient de nos jours à leurs plaisanteries d’autrefois la police anglaise les empêcherait bientôt de continuer. Robin Hood et ses camarades seraient envoyés à Botany-Bay.

— Bah ! nous n’avons pas le temps de causer de choses oiseuses, ajouta Wilkins. Nos embarcations sont en bon état, je suis d’avis de partir. Nos ennemis ne reviendront pas de sitôt ; car ils sont allés sans doute chercher leurs amis les noirs, à qui ils vont compter mille mensonges. Croyez-moi, partons. Une fois sur le fleuve, nous aurons bien vite mis une grande distance entre ces gens-là et nous.

— Mais, fit Max Mayburn, ne sommes-nous pas plus en sûreté ici que dans les défilés des montagnes, où nous pourrions être surpris par ces assassins ?

— Je suis d’avis de nous éloigner, dit Arthur mais avant de quitter notre retraite, il faut dépêcher un de nous pour épier les démarches des convicts. Seulement ce n’est pas O’Brien que je choisirai, il se ferait prendre à coup sûr.

– Baldabella, ce me semble, fit Wilkins, pourrait, mieux que personne, aller aux informations. Les femmes des noirs ont l’astuce nécessaire pour ce genre d’opération. »

En effet, à peine eut-on expliqué à la mère de Nakina le service qu’on attendait d’elle, qu’elle s’avança et déclara qu’elle était prête à quitter ses amis pour aller en quette de nouvelles. On dégagea l’entrée, et la négresse se glissa à travers les pierres. Pendant son absence, les voyageurs s’occupèrent à refaire leurs paquets afin de continuer leur pèlerinage.

Baldabella revint, le visage exprimant une grande joie.

« Les méchants, dit-elle, sont partis là-bas, là-bas ; ils ont allumé un feu afin que les noirs vissent la fumée. « Visages blancs » peuvent partir maintenant, personne ne les verra fuir. »

Rassurés par ces paroles, les voyageurs sortirent de leur souterrain ; on alla retirer les canots de leur cachette et, ayant empilé les bagages dans ces deux véhicules, les naufragés errants se mirent en route.

À ce moment-là les poules de Ruth gloussèrent. Attirées par les appels de la jeune fille, qui leur offrit de l’avoine, les volatiles se groupèrent ; mais on ne put en attraper que deux, et Jack les plaça dans une cage, dont Ruth s’empara aussitôt, sans se plaindre de cette addition à son chargement.

Baldabella servait de guide, car elle avait découvert un chemin très court conduisant « de la vallée solitaire » à la rivière. On apercevait du haut des rochers le courant d’eau, et quand les deux canots eurent été remis à flot, tous les voyageurs remercièrent la Providence. Les embarcations disparurent bientôt, dans la direction du sud.

« Plaise à Dieu que ce chemin nous ramène bientôt près de nos colonies !