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VOYAGE

meurer, dit Charles Deverell à la domestique des Mayburn, vous verriez bien d’autres miracles s’accomplir sous vos yeux. D’abord des animaux si légers, qu’ils semblent voler dans l’espace : les femelles ont sous le ventre une sorte de poche profonde dans laquelle ils cachent leurs petits. Vous apercevriez, sur les eaux tranquilles des lacs et des rivières, des cygnes noirs, et, sur la cime des arbres, des aigles blancs. Vous entendriez des coucous chanter la nuit, et des hiboux ululer le jour. Il y a également là des petits oiseaux muets et des abeilles sans aiguillon ; des arbres qui n’ont pas de feuilles, mais qui poussent de l’écorce et des cerises enfermées dans une noix.

— Allons ! Monsieur, vous voulez rire à mes dépens, répliqua Jenny Wilson.

— Non point, ma bonne dame, fit Mlle Emma Deverell en arrivant à la rescousse de son frère. Que nous serions heureux, chère Marguerite, dit-elle à sa nouvelle amie, si vous veniez tous avec nous dans ce pays où les enchantements se suivent et se rencontrent à chaque instant !

— N’oublions pas, ma sœur, observa Édouard Deverell, que, pour avoir le droit de nous reposer et de jouir des merveilles de notre patrie d’adoption, il va falloir travailler pendant longtemps ; nous aurions grand besoin d’avoir avec nous une bonne tête pour nous encourager dans nos labeurs.

— Hélas ! chers amis, tout cela n’est qu’un rêve ! un beau rêve ! Racontez-nous vos projets, et nous pourrons, une fois éloignés, vous suivre en pensée, dit Marguerite aux Deverell.

— Oui, répliqua Hugues c’est cela, nous vous écoutons ; mais avant de commencer veuillez, monsieur Édouard, marquer sur la carte de l’Australie, que voici, l’endroit où vous allez vous fixer ; de cette façon il nous sera facile de vous retrouver… lorsque nous reviendrons des grandes Indes.

— Voilà qui est bien dit, répondit Edouard. Je ne puis préciser le point exact de notre concession sur cette petite carte ; mais je pense qu’à cinquante milles près ce sera dans les parages que voici.

— Alors vous vous établirez sur la rive de la rivière qui se jette dans le Darling ? riposta Hugues. Dans ce cas, en suivant le cours de cet affluent, nous vous trouverons à coup sûr.

— Ce ne sera cependant pas si facile que vous le pensez, mon ami, répliqua Deverell, car nous sommes encore fort éloignés du Darling. Je compte cependant amener les eaux de cette rivière jusqu’à notre ferme, pour conjurer la sécheresse qui désole le pays pendant l’été.

— Voilà qui est bien pensé. Il me semble que votre concession est considérable, fit Hugues.

— Assez importante, en effet, répondit Charles. Nous allons tout d’abord construire une maison pour notre famille, puis un village pour nos ouvriers, leurs compagnes et leurs enfants.

« Nous emportons là, sur l’avant du navire, les bois tout prêts pour élever notre habitation future ; quant au village, nous y pourvoirons en pleine forêt d’Australie, à l’aide de nos haches : nous l’avons déjà baptisé.

– Parbleu ! Deverell, ajouta Arthur. Cela va de soi.

— Oui, telle est l’intention de ma mère ; mais, observa Deverell, j’eusse préféré que notre colonie s’appelât la ferme des Marguerites.