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VOYAGE

« J’aperçois le ruisseau que nous avons suivi, serpentant à travers la plaine, dans la direction du sud-ouest, observa Hugues, et mes yeux s’arrêtent à l’horizon sur une masse verdoyante.

– Arthur, cria Gérald à son ami, viens donc voir un point noir qui se trouve derrière nous, vers le nord. Il me semble que ce nuage s’avance de ce côté. »

L’aîné des Mayburn ne se le fit pas dire deux fois, et quand, parvenu près d’O’Brien, il eut regardé à son tour, il murmura :

« Tu ne t’es pas trompé, Gérald ; ce point noir s’agite : nous sommes poursuivis, et nous ne pouvons pas continuer notre route. Reste ici à surveiller, moi je descends de l’arbre pour tenir conseil avec nos amis.

— Donne-nous les fusils, répliqua O’Brien, nous garderons le passage, et aucun de ces bandits, je le jure, ne pourra franchir le chemin.

— Ce plan est impraticable, mon cher ami, fit Arthur ; contente-toi de veiller, et laisse-moi savoir, le plus tôt possible, quel est le nombre des hommes qui s’avancent. »

Le brave garçon se hâta de descendre du figuier pour annoncer la fâcheuse nouvelle aux amis, qui ignoraient ce qui se passait. La désolation fut extrême.

« Il faut faire partir en avant M. Mayburn et mademoiselle, dit Jack. Qu’en pensez-vous, monsieur Arthur ? Nous tiendrons ici de façon qu’ils aient sur ces bandits une grande avance, et puis nous nous lancerons au galop pour aller les rejoindre.

– Que dis-tu de ce projet ? demanda Max Mayburn à Marguerite. Davy vous conduirait, les trois femmes, Nakina et toi, vers nos amis les Deverell.

— Mon cher père, répliqua la jeune fille, nous vivrons ou nous mourrons ensemble. Il nous serait impossible de vous laisser ici exposé au danger. Ne pourrions-nous pas nous cacher dans l’épaisseur de ces fourrés ? Peut-être nos persécuteurs ne nous y découvriraient point.

— Hélas ! ils suivent notre piste, répondit Arthur. Ne vois-tu pas d’autre moyen, Wilkins ?

— Peut-être. À trompeur, trompeur et demi. Il me paraît possible de les mettre sur une fausse voie. »

La forêt qui s’étendait derrière les fugitifs longeait le courant d’eau, dont elle se trouvait éloignée d’environ cinquante mètres, et de l’autre côté de ce ruisseau des massifs de roseaux s’élevaient comme un paravent de verdure.

« Il faut essayer de les envoyer de l’autre côté, continua Wilkins : dépêchons-nous d’amener les chevaux par ici. »

Par les conseils du brave homme, les jeunes gens montèrent sur les cinq bêtes valides, après avoir conduit Marguerite, son père et les femmes au milieu du plus épais fourré, où l’on força le cheval blessé de pénétrer à son tour. Cela fait, les cavaliers se lancèrent au galop et traversèrent la petite rivière, brisant sur l’autre rive les bambous, de façon à indiquer leur passage jusqu’au marais qui se trouvait devant eux. Il était dès lors inutile de procéder plus loin car la piste devait être infailliblement perdue.

On fit entrer les chevaux dans le lit du courant d’eau, que l’on suivit ainsi pendant environ cent mètres ; puis on sortit un à un, et l’on regagna