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AU PAYS DES KANGAROUS

« J’aurais cru l’animal de plus forte taille, observa Max Mayburn. Vous savez que le dingo appartient à l’espèce canine, dont il a la forme et la denture. N’importe ! j’aime mieux, dans la création, le bon chien de Terre-Neuve ou toute autre espèce servant à l’homme pour le défendre ou lui tenir compagnie. Mes enfants, débarrassez-vous au plus vite de votre gibier. »

Avant que la lune eût disparu à l’horizon, les voyageurs se levèrent pour partir et traverser le bois. Il fallait deux heures aux cavaliers et aux piétons pour se frayer un passage à travers ces buissons emmêlés de lianes. Enfin des mugissements poussés par un troupeau invisible, auxquels répondirent les bestiaux ramenés de si loin par Charles Deverell, vinrent frapper les oreilles de la petite troupe.

On entrait sur les domaines du jeune colon, qui annonça cette nouvelle à ses amis.

Sur le seuil d’une cabane élevée vers la lisière de la forêt, parut un berger qui poussa des cris de joie en apercevant le frère de son maître.

« Salut, Monsieur, fit-il. Ah ! les coquins ! ah ! les voleurs de convicts, ils avaient eu la main heureuse, je vois, et vous avaient dérobé vos plus belles têtes de bétail ! Je pense que vous les avez châtiés de telle façon qu’ils n’y reviendront plus. Ah ! que je suis heureux de vous revoir vous et ceux qui vous accompagnent ! »

Le brave homme proposa à son maître d’envoyer un de ses aides en avant, pour annoncer la bonne nouvelle de son succès et de son retour ; mais, de l’avis des voyageurs, il fut convenu qu’ils surprendraient eux-mêmes les habitants de la « ferme des Marguerites ».

On continua donc à avancer à travers des haies de très beaux arbres, au pied desquels s’épanouissaient des fleurs admirables, et sur les branches desquels s’ébattaient et gazouillaient des oiseaux sans nombre. Les voyageurs ne s’arrêtèrent qu’au milieu du jour, afin de laisser passer la chaleur pendant quelques heures.

En remontant à cheval, on ne tarda pas à arriver dans la partie cultivée de la concession, divisée par des barrières en champs et en terres pour l’élevage des brebis et des vaches à lait. Ce spectacle était enchanteur ; on se serait cru transporté dans les plus belles parties du Royaume Uni.

« Que Dieu soit loué s’écria Max Mayburn, nous voici vraiment dans la terre promise. »

Tous les voyageurs gardaient le silence ; la joie remplissait leur âme ; de douces larmes coulaient de leurs yeux.

Charles Deverell éprouvait cependant une certaine anxiété, et il cherchait des yeux quelqu’un qu’il ne voyait pas à l’endroit où l’on était parvenu. À la fin cependant un homme à l’aspect respectable parut au détour d’un sentier, et s’avança en s’écriant :

« Bonjour, Monsieur et la compagnie !

— Bonjour, Harris ! bonjour ! répliqua Deverell. Tout le monde va-t-il bien à la ferme ?

— Sans aucune exception, maître, répondit le serviteur. J’ai vu madame votre mère, mademoiselle votre sœur et M. Édouard ce matin même. Et tenez, voici votre frère lui-même qui vient à votre rencontre.