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AU PAYS DES KANGAROUS

qu’il mérite la mort. Dieu veuille, mon pauvre compagnon d’infortune, que cet homme ne vous entraîne pas de nouveau à mal faire !

— Ne craignez rien, monsieur Arthur, répondit le convict ; j’ai de bons sentiments, et je ne me laisserai jamais corrompre par ce coquin-là. »

Après l’incident dont nous venons de parler, Arthur s’efforça d’opérer sans encombre le transbordement de tout ce qui se trouvait sur le radeau, y compris les poules de Ruth ; puis Wilkins se chargea d’amener sains et saufs sur le rocher les deux jeunes gens, Hugues et O’Brien.

L’aîné des Mayburn, resté seul sur le radeau avec Black Peter, dit alors à celui-ci :

« Je vais délier toutes les billes de bois dont se compose le radeau, car ces cordes doivent nous servir ; veuillez donc songer à vous tirer d’affaire comme vous l’entendrez.

— C’est bien, fit le convict. Je ne compte pas rester ici, croyez-le bien mais je n’ai pas encore dit mon dernier mot à votre égard. »

Arthur ne répondit pas une seule parole mais il se hâta d’aller rejoindre son père et ses compagnons d’infortune.

Black Peter se retrouva quelques instants après sur le récif avec les autres naufragés.

Tandis que tout ceci se passait, la marée était descendue et laissait à sec tous les rochers élevés de cet endroit. Les malheureux abandonnés au milieu de l’Océan regardèrent alors à l’horizon, et Arthur remarqua qu’une certaine étendue de verdure apparaissait sur la cime des rochers lointains.

« Voyons, mon père, dit-il à Max Mayburn, vous sentez-vous assez fort pour marcher jusque là-bas ?

— Hélas ! non, pour le moment, mes enfants ; mais nous pouvons attendre ici jusqu’à demain matin, n’est-ce pas ? Nous prendrons un parti quand le jour reviendra. En attendant, adressons à Dieu une fervente prière pour le remercier de nous avoir ainsi gardé la vie et sauvés du péril. »

Les paroles du vieillard étaient des ordres. On s’occupa tout de suite à fabriquer une tente avec les rames et les bûches. Chacun alla se coucher sous cet abri, afin de se reposer et d’être plus dispos quand le soleil paraîtrait.

Mais, comme on devait toujours redouter les mauvais desseins de Black Peter, il fut convenu que chaque jeune homme monterait la garde à son tour, et la nuit s’écoula de la sorte.

L’astre céleste se montra brillant au milieu d’un ciel sans nuage. La mer était fort calme ; mais quel fut le désappointement des naufragés en voyant que la côte devant eux était complètement dénudée ! Tous se demandèrent alors comment ils pourraient subvenir à leur existence, et trouver les moyens d’échapper à la mort.

Black Peter, lui, s’occupait à ramasser les débris du radeau, lancés sur les brisants par la marée haute.

« Arthur, dit Marguerite à son frère, tu ferais bien peut-être d’aller trouver cet homme, pour essayer encore de le ramener à de bons sentiments. »

Arthur consentit à ce que demandait sa sœur, et, suivi de Jack, il marcha dans la direction du convict tandis que Ruth allumait du feu pour faire bouillir de l’eau dans une marmite et préparer du thé ; car les naufragés