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AU PAYS DES KANGAROUS

à harponner deux poissons de moyenne grandeur, et qui cependant pesaient deux kilos et demi environ chacun. Arthur fut d’avis qu’ils appartenaient à l’espèce dite morue de rivière (grystes peelii), poisson très apprécié par les voyageurs en Australie. Il leur fallut, pour s’emparer de ces deux spécimens, se mettre à l’eau ; mais la jeunesse ne craint pas ces immersions volontaires.

Tandis que les pêcheurs ramassaient leur proie, Jack, qui avait découvert un banc de moules de rivière, s’emparait des plus grosses, et, après avoir vidé l’intérieur, réservait les écailles pour s’en servir comme de cuillers ou bien en guise de coupes à boire.

Les Mayburn et leur suite crurent alors devoir continuer leur route, car la chaleur devenait intolérable. Ils trouvèrent un abri dans les bois, et, se frayant un chemin à travers les arbres et les lianes qui poussaient de tous côtés, ils parvinrent sans trop de mal jusqu’à la baie au centre de laquelle gisaient les débris du navire naufragé.

Sans perdre une minute, tous les voyageurs s’avancèrent vers l’épave ; Jack, particulièrement, examina cette carcasse, afin de voir quel parti il pourrait tirer de toutes ces planches. Marguerite et son père ne purent s’empêcher de verser des larmes en songeant aux malheureux marins qui avaient probablement perdu la vie quand leur navire avait été brisé sur la côte.

Tandis qu’Arthur et Gérald, se hissant sur la coque, allaient explorer l’intérieur de la construction maritime, Arthur examinait l’intérieur et remarquait que, depuis la veille, la mer avait déjà arraché de nouvelles planches ; il s’approcha de Jack et se consulta avec lui pour savoir s’il n’y aurait pas moyen de s’emparer au plus tôt de tout ce qui pourrait, dans cet amas de bois de construction, leur être utile pour fabriquer une embarcation.

Pour ne pas perdre de temps, les deux jeunes gens se mirent à arracher une planche à moitié déclouée, et, après y être parvenus, ils aperçurent un gros tonneau arrimé dans la cale. Le tonneau roula et alla se briser sur les roches, laissant échapper de ses flancs de magnifiques pommes de terre.

Toutes les mains se dirigèrent d’un commun accord sur la place où les précieux tubercules s’étalaient sur le sable ; on releva le tonneau, et on le roula sur la grève de façon que son contenu fût à l’abri des atteintes de la marée haute.

« Il est bien étonnant, observa Hugues, que nous n’ayons pas découvert hier cette précieuse provision lorsque nous sommes venus ici.

— C’est vrai ! mais n’importe, puisque voilà les légumes, répliqua Gérald, nous allons en semer une portion dans un champ que nous défricherons à cet effet, et de cette façon nous ne mourrons pas de faim tant que nous resterons ici. »

À ces paroles, Marguerite éprouva une sorte d’appréhension. La pensée de séjourner indéfiniment dans ce pays inconnu la remplissait de terreur, mais Arthur rassura sa bonne sœur, car lui-même comptait bien abandonner ces plages inhospitalières avant que les pommes de terre eussent eu le temps de pousser. Toutefois il approuva le projet de Gérald, et il fut convenu que l’on