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VOYAGE

Wilkins se fût volontiers emparé de ces objets oubliés, mais Max Mayburn lui enjoignit de les laisser où ils étaient ; car il ne fallait pas faire à autrui, dit-il au convict, ce que l’on ne voulait pas qu’il vous fût fait.

Le marin secoua la tête, comme pour protester ; mais il obéit aux ordres du vieillard, et la famille entière s’éloigna du rivage fréquenté par les sauvages ; chacun éprouvait une réelle anxiété, car on comprenait que la curiosité et le désir de reprendre ce qu’ils avaient oublié ramèneraient bien vite les noirs vers l’île.

Tout le monde se mit alors au travail on fit provision de pommes de terre, que l’on enveloppa dans la toile à voiles ; ou rôtit les canards et l’on bouillit les poissons ; les œufs des canards sauvages et ceux du poulailler de Ruth furent durcis et bien arrangés dans un panier au milieu d’herbes molles. Puis on remplit d’eau fraîche le tonneau, et on amarra solidement sur le radeau tous les paquets et une partie des provisions.

Jack avait pourvu cette dernière embarcation d’un mât et d’une voile, laquelle avait été fabriquée avec des débris de toile trouvés sur les vergues du navire naufragé.

Sur tous ces objets, la grande voile, servant de bâche avait été étendue et clouée sur trois côtés, et dans les deux canots les jeunes gens avaient placé une couche épaisse de litière, sur laquelle on devait s’asseoir.

Tous ces préparatifs ne furent achevés qu’à la nuit. Max Mayburn adressa alors à Dieu une prière d’action de grâces, remerciant le Tout-Puissant de leur avoir sauvé la vie, à lui et aux siens, et d’avoir donné à ses enfants et à leurs amis la force d’amener à bonne fin les préparatifs de leur voyage. Chaque voix, même celle de Wilkins, répondit Amen aux différentes expressions de cette prière ; puis on alla se coucher pour la dernière fois sous les abris verdoyants que la nature avait prodigués dans cette île hospitalière.

Dès les premières lueurs de l’aube, la petite troupe fut debout. Gérald se rendit sur le sommet du promontoire, afin de savoir si les sauvages n’étaient pas revenus. À son retour, et sur son rapport négatif, Max Mayburn, sa fille Marguerite, Arthur et Hugues s’embarquèrent dans le premier canot, qui parvint sans encombre ni accident de l’autre côté des récifs. Jack et O’Brien, suivis de Jenny Wilson et de Ruth, montèrent la seconde barque, et Wilkins prit la direction du radeau, qu’il poussait à coups de gaffe et de pagaie.

« Je me sens quelque peu inquiète, mon ami Jack, dit la vieille bonne. M. Gérald a placé Ruth avec nous ; je crains qu’il ne nous arrive malheur, et nous serons tous noyés.

— Il n’en sera rien si vous ne perdez pas de vue cette maladroite, ma chère Jenny Wilson, répliqua Jack. D’ailleurs si Ruth ne se tient pas tranquille, nous la confierons à Wilkins, qui l’attachera sur son radeau. »

À ces mots, la malheureuse fille se mit à pleurer ; mais bientôt elle sécha ses larmes, pour ne s’occuper que de ses poules, qu’elle s’était bien gardée d’oublier dans l’île.

Les navigateurs eurent fort à faire pendant une heure, car il leur fallut ramer jusqu’au moment où la brise fraîchit. Wilkins put alors hisser la