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VOYAGE

pira en songeant aux difficultés qu’il y avait à surmonter pour parvenir jusqu’aux colons leurs amis.

« Il ne faut désespérer de rien, ma chère Marguerite, répliqua Hugues : nous arriverons à bon port. Arthur, Gérald, Jack, Wilkins et moi nous sommes forts, nous jouissons d’une excellente santé, et je crois être assez ingénieux pour indiquer ce qu’il faudra faire. Jack est un garçon industrieux qui m’aidera. Du moment que nous avons déjà réussi à traverser la mer sur ces « coquilles », je ne vois pas pourquoi nous ne franchirions pas les déserts australiens, grâce à notre forte constitution et à notre courage.

— Mon fils a raison, observa Max Mayburn ; avec l’assistance de Dieu nous pénétrerons dans ce vaste désert, et nous pourrons admirer les merveilles cachées dans ce pays depuis la création du monde. Qu’importent les dangers ? nous les braverons. En avant !

— Mais, mon père, répliqua Arthur, avant toutes choses, il s’agit d’aborder sur cette terre promise. Nous avons déjà fait naufrage, et nous pouvons juger de la difficulté qu’il y a à franchir des brisants et à atterrir sur une rive inconnue, sans gouvernail, sans sonde, sans ancre, et sans aucun instrument nautique. Par malheur, cher père, aucun de nous n’a fait des études spéciales.

– Je le sais, cher enfant, et je me reproche d’avoir ainsi négligé votre instruction. Mais qui eût jamais pu s’imaginer que les fils d’un fermier eussent besoin de devenir des marins, et de naviguer sur une mer semée de périls ? Eh bien ! avançons-nous ? sommes-nous assez éloignés de ces méchants naturels ?

— Pas encore, répliqua Arthur. Qui sait si ces noirs ne nous ont pas suivis à travers bois ? Il faut mettre une dizaine de milles entre eux et nous avant de nous risquer sur la côte. Mais je m’aperçois que le pauvre Wilkins est accablé de fatigue, que sa voile lui est inutile, car le vent est tombé. Voyons, Hugues, mon ami, va lui donner un coup de main ; notre père te remplacera à la rame. »

Les navigateurs s’approchèrent alors assez de la côte pour pouvoir en distinguer tous les méandres tantôt sablonneux, tantôt escarpés, ou bien couverts de rochers et entourés de récifs sur lesquels leurs faibles canots se fussent brisés en morceaux.

La fatigue des rameurs devint telle, à un certain moment, que tous, distinguant à distance une côte basse et paraissant inhabitée, crurent devoir atterrir en prenant toutes les précautions nécessaires pour ne pas toucher sur quelque rocher à fleur d’eau ou quelque banc de corail.

« Laissez-moi passer devant, dit alors Wilkins, avec mon radeau s’il vous arrivait un accident, je pourrais vous porter secours. L’important, c’est de nous débarrasser de cette embarcation de malheur. »

Marguerite éprouva d’abord quelque alarme au sujet de son frère Hugues ; mais Arthur la rassura en lui rappelant que Wilkins était un excellent matelot, et, de plus, que son bon cœur et sa reconnaissance pour les services qu’on lui avait rendus servaient de garants pour le soin qu’il prendrait de leur frère.