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AU PAYS DES KANGAROUS

« Quelle chance, dit Arthur, d’avoir sauvé le fusil et les munitions ! Mais aussi quel malheur d’avoir perdu le canot et tout ce que nous y avions embarqué !

— Aie confiance en Dieu, ajouta Max Mayburn en s’adressant à son fils : regarde cet aigle blanc qui vole au-dessus de nos têtes : celui qui donne la nourriture à cet oiseau ne nous laissera pas mourir de faim, nous ses enfants.

— En effet, répliqua Hugues, car voici des huîtres et des crabes. Nous allons, sans nul doute, trouver des tortues dans ces parages ; nous découvrirons des nids et des œufs le long des falaises. Quant à l’eau douce, il n’en manque pas dans la rivière.

— Hélas ! ce qui nous manque, c’est une cafetière, une bouilloire et une rôtissoire, observa Ruth.

— Nous pourvoirons à tout cela, » répliqua le jeune garçon : puis il alla chercher une énorme coquille de moule, qu’il trouva au milieu des racines d’arbres. Il la présenta à la fillette en lui disant « Voilà pour faire bouillir de l’eau, et voici une fourchette pour les grillades, ajouta-t-il en lui tendant une des flèches grossières dent il comptait se servir pour la chasse.

Le repas préparé par Jenny Wilson fut copieux et très appétissant, quoique bizarrement cuit. On le servit sur les coquilles de moules ou d’huîtres dans lesquelles la cuisinière avait fait bouillir ou rôtir les membres détachés des poules noyées.

Par bonheur chacun avait sauvé son couteau, mais c’était tout : on manquait donc d’autres ustensiles nécessaires au confort de la vie.

Le repas terminé, les jeunes gens s’empressèrent de nettoyer leurs canots, remplis d’algues marines et d’eau salée ; ils les exposèrent pour se sécher devant les falaises. Étendant ensuite leurs manteaux par terre, ils engagèrent Max Mayburn et sa fille à se reposer, pendant qu’ils allaient tenir conseil, afin de savoir ce qu’il était prudent d’entreprendre.

Les pauvres jeunes gens étaient si fatigués, que leur bonne volonté ne résista pas aux exigences de la nature ; ils voulurent bien causer de leurs projets, mais leurs yeux se fermèrent, et ils s’endormirent tous et demeurèrent assoupis toute la nuit, sans se réveiller ni les uns ni les autres.

« Tout le monde debout ! s’écria Gérald, qui ouvrit le premier ses paupières quand l’aube parut. Hugues et moi nous allons nous diriger sur le rivage pour ramasser des œufs de tortue et faire provision de bois. De là nous grimperons aux falaises pour dénicher des œufs ; parvenus au sommet, nous inspecterons aussi l’horizon, afin de savoir où nous sommes et de quel côté nous devons avancer.

— Je vous accompagnerai, ajouta Arthur, car je ne me ferai qu’à moi-même pour prendre une décision. »

Un quart d’heure après, les jeunes gens rapportaient leurs chapeaux pleins d’œufs de tortue et du bois sec. Le feu était fait, les œufs cuisaient sous les cendres, et l’on se mit gaiement à déjeuner.

« Ah ! monsieur Arthur, que n’avons-nous un peu de thé ! observa Jenny. Je me passerais volontiers de sucre et de lait, si nous possédions du sou-chong. »