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AU PAYS DES KANGAROUS

de la bande ; mais Jack s’efforça de la retenir et de lui faire comprendre que ses appréhensions n’avaient pas le sens commun. Quoi qu’il en fût, tous les voyageurs se sentirent rassurés quand ils n’eurent plus devant leurs yeux les îlots couverts de leurs hideux habitants.

Le lit de la rivière s’était resserré, et, à mesure qu’ils avançaient, leurs oreilles étaient frappées par un bruit assourdissant. Cela ne ressemblait en aucune façon au murmure étrange des déserts, où le silence n’est interrompu que par les chants ou les cris des oiseaux, ou le bruissement des insectes.

« On dirait l’éclat d’une chute d’eau, observa Arthur. J’espère que par delà cette cataracte nous n’aurons plus à craindre le danger d’une inondation. Avançons sans perdre de temps pour sortir de ce sentier peu sûr. »

À mesure que les voyageurs marchaient, le bruit devenait de plus en plus assourdissant. Ils reconnurent, bientôt ; qu’il était occasionné par la chute d’un torrent ; car, au détour du sentier qu’ils suivaient, de l’autre côté d’un énorme rocher, ils aperçurent devant eux une cataracte gigantesque, qui retombait du haut d’une montagne dans le sein même de la rivière.

« Quelle merveille ! s’écria Max Mayburn. Lus travaux des hommes sont des œuvres de pygmées en comparaison de ceux du Tout-Puissant.

— J’en conviens, Monsieur, répliqua Wilkins ; mais comment allons-nous sortir d’ici ? Il nous faudrait des ailes comme en possèdent ces grands oiseaux là-haut perchés. »

En effet, on voyait sur la cime du rocher géant, à l’endroit d’où tombait cette énorme masse d’eau, de grands volatiles plongeant leurs têtes sous l’eau clapotante, et paraissant très gais au milieu de cette immense commotion.

« Ne sont-ce pas des pélicans ? demanda Hugues à son père. Il me semble voir sous leur cou une grande poche rouge.

— Je crois que ces oiseaux appartiennent à la famille en question, répondit Max Mayburn ; ce sont, à mon avis, des frégates-pélicans, espèce qui habite sous les tropiques, et se nourrit de poissons dans les rivières comme sur la mer. Les ailes et la queue sont d’une envergure très grande ; mais le corps, quoique bien emplumé, est, une fois dépouillé, bien plus petit qu’on ne le pense. Mais regarde, mon ami, voici un oiseau bien plus noble, par là, à droite. C’est un aigle noir, qui parait jeter un regard de mépris sur les pélicans-frégates aussi bien que sur nous, pauvres errants du désert ! »

En s’avançant plus près de la chute d’eau, les voyageurs calculèrent qu’elle avait près de cent mètres d’élévation. La nappe ne tombait pas tout d’une pièce comme au Niagara, dans l’Amérique du Nord ; mais elle dégringolait le long de vastes escaliers dont chaque marche avait trois à quatre mètres de hauteur. Certaines de ces marches étaient même à sec, et on les voyait couvertes de plantes et de mousses verdoyantes.

Quelle que fût l’admiration de tous en contemplant ce spectacle inattendu, nos voyageurs ne purent s’empêcher de se faire à eux-mêmes la question que Wilkins leur avait adressée « Comment allons-nous sortir d’ici ? »

Il n’y avait qu’un moyen de continuer la route, c’était de se hisser jusqu’au sommet des falaises ; mais on pouvait craindre d’arracher les broussailles