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PÉRIODE ARCHAÏQUE

Je crois avoir démontré[1] que les Norito ne sont pas des prières proprement dites, mais bien plutôt des formules magiques, des incantations solennelles, enveloppées de rites puissants, par lesquelles des prêtres magiciens domptent les dieux. Parmi les pièces les plus intéressantes de la collection, je citerai : le Rituel des semailles, qu’on prononçait pour obtenir une bonne moisson ; le Rituel des dieux du Vent, pour écarter les intempéries ; le Rituel porte-bonheur du Grand Palais, pour protéger la demeure impériale contre les mauvaises influences ; le Rituel des Sublimes Portes[2], conçu dans le même esprit ; le Rituel de la Grande Purification, pour effacer les péchés du peuple ; le Rituel du Feu, pour éloigner l’incendie du Palais[3] ; le Rituel des dieux des Routes, contre les épidémies ; le Rituel de la fête des prémices célébrée lors des avènements ; le Rituel pour apaiser l’âme de l’empereur, c’est-à-dire pour prolonger sa vie ; le Rituel pour l’intronisation d’une princesse comme vestale au temple du Soleil ; le Rituel pour exorciser les esprits qui envoient des fléaux ; enfin, les Paroles de bon augure au moyen desquelles les chefs du pays d’Izoumo contribuaient à assurer la prospérité du souverain.

Comme exemple de ces formules, je donnerai le Rituel de la Grande Purification, qui peut apprendre, en quelques pages, bien des choses sur la religion et la morale des Japonais primitifs, en même temps qu’il laissera deviner, sinon l’ampleur sonore du texte, du moins le sens oratoire et le souffle poétique des prêtres anonymes auxquels nous le devons.


RITUEL DE LA GRANDE PURIFICATION[4]

Je dis[5] : Vous qui êtes ici assemblés, princes du sang,

  1. Les Anciens Rituels du Shinntô considérés comme formules magiques ; Oxford, 1908.
  2. Mi-kado. C’est l’origine la plus probable du mot mikado, dans le sens d’empereur. Remarquons d’ailleurs que cette ancienne dénomination, conservée dans la langue poétique et passée enfin dans l’usage des Européens, n’est pas celle dont se servent les Japonais d’aujourd’hui pour désigner leur souverain : en pratique, ils lui donnent surtout le titre chinois de Tennshi (Fils du Ciel).
  3. J’ai traduit et commenté ce Rituel dans le Toung Pao ; Leyde, 1908.
  4. Minazouki tsougomori no Oho-harahi, « la Grande Purification du dernier jour de la lune humide », c’est-à-dire du sixième mois de l’année. Le Rituel est plus connu, dans l’usage, sous le nom d’Ohoharahi no Kotoba, « Paroles de la Grande Purification ».
  5. Sous-entendu : Moi, le Grand-Nakatomi, parlant comme délégué de l’empereur.