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LES PLANÈTES DAMNÉES

 
Comme autour d’une meule, et roidissant leur chaîne
Des captifs en sueur, pleins de rage et d’efforts,
Les globes surchargés de vivants et de morts
Autour des vieux soleils tournent à perdre haleine.

Un invisible fouet les harcèle et les mène,
Tous, les moins vigoureux autant que les plus forts,
Chacun, à sa façon, pousse, en rongeant son mors,
Ou son cri de torture, ou sa clameur de haine.

Ils n’entendent, au fond des lointains univers,
Que leurs propres sanglots mêlés au bruit des fers.
L’homme a du moins l’oubli, les bœufs ont leurs étables,

Mais toi, que le destin flagelle à tour de bras,
Jamais, jamais, jamais tu ne t’endormiras
Ô troupeau haletant des mondes lamentables !


LE PARFUM INEFFAÇABLE

Quand la fleur du soleil, la rose de Lahor,
De son âme odorante a rempli goutte à goutte
La fiole d’argile, ou de cristal ou d’or,
Sur le sable qui brûle on peut l’épandre toute.

Les fleuves et la mer inonderaient en vain
Ce sanctuaire étroit qui la tint enfermée ;
Il garde en se brisant son arôme divin,
Et sa poussière heureuse en reste parfumée.

Puisque par la blessure ouverte de mon cœur
Tu t’écoules de même, ô céleste liqueur,
Inexprimable amour qui m’enflammais pour elle !

Qu’il lui soit pardonné ! que mon mal soit béni !
Par delà l’heure humaine et le temps infini
Mon cœur est embaumé d’une odeur immortelle !