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eût même l’air d’être contraire à la vraie raison, à la saine raison, à la droite raison, tout en disant des choses supérieures et incompréhensibles à la raison.

La seule précaution qu’il a prise c’est celle-ci : de préciser le dogme, d’établir la vérité de ce grand fait de Dieu, de manière à fermer la porte, à ne pas laisser de place, dans la suite des temps, aux chicanes, aux sophismes, aux délires de la raison.

Mais en disant que c’est seulement de cet instant qu’a commencé la série des êtres hors de Dieu et que tout hors de Dieu a eu un commencement : puisque rien avant cette époque n’avait commencé, ni le ciel ni la terre, ces deux parties de l’univers que nous connaissons, qui nous appartiennent, qui nous touchent, qui nous frappent ; en disant qu’avant que Dieu les ait créés ils n’étaient d’aucune manière, ils n’existaient dans aucune cause, ils n’avaient aucune réalité préexistante, et que c’est le commencement du commencement de tout ce qui n’est pas Dieu ; c’est la source, le principe, le premier anneau de la chaîne des êtres créés qui s’est développée dans l’immensité de l’espace ; Moïse a constaté que non-seulement l’ordre, l’harmonie, les formes des êtres du monde, mais aussi la matière première des êtres et du monde a eu un commencement ; et par là Moïse exclut l’hypothèse absurde de l’éternité de la matière dont, selon la philosophie humaine, Dieu se serait servi pour former le monde.

En disant que « la terre était vide et stérile, obscure, un chaos ténébreux, un abîme informe, impuissant à rien former, a rien produire, et que l’Esprit du Seigneur planait sur les eaux, » il nous montre cet Esprit de Dieu, dit saint Cyprien, non pas comme l’âme substantielle du monde se communiquant aux choses ; mais comme le dispensateur magnifique distribuant de sa plénitude toute puissante, concédant, par un trait de son inépuisable bonté aux choses informes et infécondes, la vertu, les qualités propres à produire les effets qu’elles étaient destinées à produire ; et comme un soleil invisible qui échauffe tout ce qui lui est sujet, et devenant, sans rien communiquer de lui-même, sans rien perdre de lui-même, sans se partager lui-même, l’âme de tout ce qui est animé, la vie de tout ce qui vit ; quasi sol omnia calefaciens, omnium viventium anima ; ou, comme dit saint Augustin, Moïse nous montre cet Esprit de Dieu planant sur les premières œuvres de la création, comme l’intelligence et la volonté de l’architecte plane sur les choses qu’il va fabriquer ; il nous fait entendre que l’Esprit de Dieu a communiqué de sa vertu aux choses sans leur rien communiquer de sa substance ; leur a imprimé le mouvement sans s’unir à elles par sa personne ; que toute qualité, toute vertu, toute force, toute énergie de la matière n’est pas le produit de l’électricité, de la chaleur, du mouvement, essentiels à la matière ; mais du don de la puissance de l’esprit de Dieu. Et par là, Moise a repoussé d’avance les deux autres hypothèses, encore plus absurdes et plus impies, par lesquelles la raison philosophique a prétendu s’expliquer l’existence du monde, c’est-à-dire l’hypothèse que Dieu ait tout créé de sa propre