Page:Revue Contemporaine, serie 2, tome 41, 1864.djvu/857

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et le seigneur avaient capturé le jour. » Cette der- nière phrase est injuste. Il restait du jour pour tout le monde, et on respirait pour le moins alors avec autant d’aise qu’aujourd’hui. car on n’avait pas recours au suicide dont M. Gastineau a bien voulu dresser un jour l’inventaire qui est effrayant en notre bienheureux temps révolutionnaire. Ceci posé, on ne saurait admettre que l’histoire de Sa- tan soit l’histoire de toutes les terreurs, les fo- lies et les sottises qui ont traversé les cerveaux humains. » Le mal existe et Satan ie représente historiquement. Les théologiens n’ont inventé ni le mal physique, ni le mal moral, ni le mal politi- que, ni le mal cosmique. Quoi qu’il en soit, Satan est fort maltraité dans le livre de M. Gastineau. Il n’est pas probable qu’il en meure, car il a la vie dure, mais il ne reçoit pas tous les jours une vo- lée pareille ni administrée de si belle grâce. En un mot, quoique un peu hâtif de style et parfois dif- fus, l’ouvrage a très grand air et saura se faire lire, même de ceux à qui les convictions de M. Gastineau ne seront pas sympathiques.

L. DEROME.

Dire et Faire, par Camille Bias, 1 vol. in-12. Paris, Michel Lévy. 186%.

Cet ouvrage est une thèse bien plutôt qu’un ro- man ; une thèse en faveur de « l’émancipation de la femme. » Dans l’istoire dont se sert M. Bias pour mettre en action son idée, il ne faudrait donc pas chercher ce qui constitue les qualités d’un ro- man, c’est-à-dire des caractères très fermement tracés, ou l’étude d’une passion, ou une peinture de mœurs, ou des événements attachants et cu- rieux. Sans doute, la thèse n’eût rien perdu à pré- senter comme arguments les faits éloquents d’une histoire émouvante ou touchante, et les conclu- sions suggérées par les malheurs immérités et cruels de personnages auxquels on nous eût atta- chés fortement n’eussent pas été celles qu’on nous eût fait accepter avec le plus de peine, ni qui nous eussent semblé les moins convaincantes, ni que nous eussions le moins étroitement épousées. L’au- teur ici a voulu procéder d’une manière op- posée, et cela était certes son droit. Mais en quoi fait-il consister l’émancipation qu’il prêche ? Qu’entend-il par l’indépendance de la femme ? Est-ce l’abolition de tout contrôle de la part de l’homme sur celle qui lui donne des enfants ? M. Bias ne s’en explique point, ou nous l’avons mal lu. Mais plutôt, il s’en explique d’une manière suf- fisante. « La soumission en amour, dit-il, est un non-sens, une absurdité, une immoralité. » Or, qu’est-ce que le contraire de la soumission en amour ? Evidemment, l’auteur est pour la destruc- tion de l’autorité maritale. Il veut une liberté égale pour chacun des époux ; il veut une entière éga- lité de rapports entre la femme et le mari. C’est là une doctrine que nous ne voudrions pas con- damner sans pouvoir nous en expliquer, mais que nous sommes très éloigné de défendre….. Au surplus, il nous suffira de quelques lignes pour montrer ce que la pensée du livre a de sain et ce qu’elle a d’illégitime et d’utopique. « Il faut que la femme se rende véritablement supérieure au mo- ral ; il faut qu’elle courbe l’homme sous la puis- sance de sa vertu. Ce n’est pas assez qu’elle cherche à devenir son émule par l’esprit, par le talent, par la science ;… il la domine toujours par la force. Ce qu’elle doit s’appliquer à acquérir ou à con- server, c’est ce qui manque le plus à l’homme : l’amour du devoir….. La force de l’homme est chair ; celle de la femme est esprit ; si celle-ci voulait, ou plutôt si elle était éclairée, elle aurait bientôt en main la toute-puissance ; l’homme alors se sentirait petit ; il voudrait, il pourrait grandir, et l’égalité naitrait des efforts de la lutte….. Femme, connais ta puissance et sois digne, tu n’auras plus de maîtres (pages 131 et 133). » On le voit, c’est du rêve tout pur : la femme supérieure à l’homme ! Ce n’est pas de l’égalité de la femme et de l’homme qu’il s’agit ; à l’insu de l’auteur, sans doute, il s’agit de la domination de la femme. Quand, selon lui, la femme sera devenue incré- dule, elle sera sérieusement vertueuse, et, dès lors, digne de la toute-puissance. »

Un autre point du livre, c’est la réhabilitation de la pécheresse. On sait combien de pages éloquentes ont été écrites sur ce thème, et aussi combien peu de raisonnables, en dépit pourtant de la justesse, au fond, de la réclamation.

L’ouvrage de M. Bias est manifestement sincère ; et non-seulement sincère, mais d’une entière franchise. L’auteur s’y déclare ouvertement contraire aux pratiques religieuses et à toute religion révélée. Il insiste encore sur ce point dans une nouvelle intitulée Les petites Filles de Confucius, par laquelle il complète son volume. P. MAZEROLLE.

Les sept Etoiles de Bohéme, par Octave FÉRÉ. Paris, Jules Tardieu. 1864.

Tout Pilsen est en émoi ; les regards se portent avec une avide curiosité sur la route de Vienne. D’heure en heure, on attend M. le conseiller de régence Stéphen Brucker. Après quinze ans d’absence, il vient dans sa ville natale recueillir l’immense héritage que lui a laissé son aïeule en mourant. Un si brillant parti est bien fait pour éveiller l’ambition des parents, des mères surtout qui, en cherchant par des modes nouvelles à rehausser la beauté de leurs filles, ont juré que le jeune diplomate ne regagnerait pas la capitale avant d’avoir pris femme à Pilsen. Ce qu’il fit au milieu d’un si formidable complot, Dieu me garde de vous le dire ! ce serait vous enlever une partie du plaisir que l’on éprouve à la lecture de cette charmante nouvelle. Elle est courte, elle est simple, mais d’une broderie exquise et d’un intérêt si soutenu qu’on y chercherait en vain une lacune ou une page de trop. Elle laisse l’esprit satisfait et le cœur rempli des sentiments les plus délicats. C’est une perle que M. Féré a placée parmi les plus gracieuses de l’écrin de M. J. Tardieu. S. R.