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3 JANVIER 1904
NUMERO UN
VINGT-QUATRIÈME ANNÉE

SOMMAIRE

Théâtres de pantins (Eugène Demolder). — André Fontainas. L’Indécis (Hubert Krains). — La Belle au Bois dormant (Octave Maus). — Expositions (O. M.). — Conservatoire royal de Gand (F. V. E.). — À propos de l’ « Étranger ». — Livres nouveaux. Hector Berlioz et la Société de ton temps. — Chronique judiciaire des arts. De la ressemblance des portraits. — Concours d’architecture — Accusés de réception. — Mémento des expositions. — Petite Chronique.


THÉÂTRES DE PANTINS

En publiant l’Abbé Prout de M. Paul Ranson, le Mercure de France a sans doute voulu fournir un aumônier au Roi Ubu d’Alfred Jarry, qu’il a présenté jadis à l’admiration et à la joie du public. Le sous-titre du nouveau livre indique assez bien son contenu : « Guignol pour les vieux enfants », — pour les vieux enfants, c’est-à-dire que le bouquin n’est point écrit pour les jeunes vierges des pensionnats ni pour les distributions des prix. L’abbé Prout est un « gros curé jovial au teint apoplectique, à la voix très ecclésiastique, pleine d’onction sereine, indulgente et gaie ». Il n’est pas tout à fait édifiant, mais il cache son jeu aux âmes pieuses et apparaît tel qu’il est aux spéculateurs que sou pantagruélique personnage amuse fort. Mon Dieu ! Je ne le crois crois pas très orthodoxe, mais en ce temps de scepticisme on en a vu bien d’autres ! En tous cas, qu’il blesse ou non les convictions les plus respectables, il est fort joyeux, ce qui importe en matière de marionnettes.

L’abbé Prout évolue au milieu de pantons bien modernes : le marquis de Percefort, vieux beau très aristocrate et légèrement gâteux, Théobald de Coquebinet, jeune homme très naïf, le député Troussetutu, homme d’action, la voluptueuse Clotilde de Blanc-Bedon, la jeune et douce Bérengère, Mme Magloire, une gouvernante d’âge canonique, et le colonel qui jure ainsi : « Mille escadrons de lurons aux pompons, les bons dragons, patapon, patapon, au trot des canassons ! »

L’Abbé Prout apparaît dans six pièces, avec à peu près les mêmes personnages, toujours. Je recommande spécialement l’Armoire des voluptés, le Lis de la vallée, le Presbytère et le Sabre et le Goupillon. Au surplus, si la littérature de l’Abbé Prout est court-vêtue, je vous assure qu’elle est élégante, d’un style