Page:Revue Moderne, vol.52, 1869.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
LE POÈME DE LA SIBÉRIE

Nous avons établi l’égalité parmi nous ; ce n’est à aucun maître, à aucun roi d’ici-bas, mais au sort que nous obéissons. Et qu’avions-nous à faire avec nos entrailles et les nids de serpents qui nous les déchiraient[1] ?

Dieu s’est-il souvenu de nous et nous a-t-il accordé de mourir dans notre patrie, de reposer dans la terre qui nous a donné le jour ?

Non ! il a fait de nous un peuple de Caïns, un peuple de Samoyèdes : qu’il soit maudit !

Ainsi parla cet homme, et il essuya ses lèvres d’où dégouttait un sang frais. Et les anges répliquèrent :

Convertissez-vous et priez Dieu ; car nous allons vous montrer le signe de sa colère, le même qui était jadis le signe de sa clémence.

Et ces hommes se mirent à rire bruyamment, ne sachant pas qu’ils parlaient avec des anges, et ils dirent : — Quel est ce signe ?

Et les anges, étendant la main, leur montrèrent un grand arc-en-ciel qui s’étendait, lumineux, sur toute une moitié du ciel assombri, et dirent : — Le voici !

Et un immense effroi saisit ces anthropophages à la vue de ce météore si brillant et si beau que Dieu faisait paraître en signe de sa colère.

Et leurs lèvres étaient béantes, et leurs langues noires comme du charbon, et leurs yeux vitreux ne pouvaient se détourner des célestes couleurs.

Et dans leur étonnement ils prononcèrent le nom du Christ et tombèrent morts.


XV

LE MESSAGE DES ANGES


Le même jour, avant le coucher du soleil, Anhelli était assis sur un bloc de glace dans un endroit isolé, lorsqu’il vit s’approcher deux jeunes gens.

Le souffle léger qui sortait d’eux lui fit reconnaître qu’ils étaient envoyés de Dieu, et il attendit ce qu’ils avaient à lui annoncer, espérant que c’était la mort.

  1. Les tortures de la faim.