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Page:Revue Musicale de Lyon 1903-11-24.pdf/1

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1re Année * No 6
Mardi 24 Novembre 1903

REVUE MUSICALE DE LYON

Paraissant le Mardi de chaque Semaine, du 20 Octobre au 20 Avril

Léon VALLAS
Directeur - Rédacteur en Chef

Principaux Collaborateurs
L. AGUETTANT ; Fernand BALDENSPERGER ; Gabriel BERNARD ; M.-D. CALVOCORESSI ; M. DEGAUD ; FASOLT et FAFNER ; Henry FELLOT ; Daniel FLEURET ; Albert GALLAND ; Pierre HAOUR ; Vincent d’INDY ; JOWILL ; Paul LERICHE ; René LERICHE ; Edmond LOCARD ; Victor LORET ; A. MARIOTTE ; Edouard MILLIOZ ; J. SAUERWEIN ; Georges TRICOU ; Jean VALLAS ; Léon VALLAS ; G. M. WITKOWSKI

Le vers et la phrase musicale

L’union de la musique et de la poésie, si imparfaitement réalisée par l’opéra, a donné naissance de nos jours à une forme nouvelle, le drame lyrique, où les deux éléments se font valoir mutuellement et concourent à la production d’un plus grand effet dramatique, au lieu de reléguer l’action au deuxième plan. À l’imitation du drame lyrique, tous les genres secondaires ont subi une évolution, et la romance est devenu le Lied. Qu’est-ce qu’un Lied ? — La forme musicale, comme le mot, nous vient d’Allemagne. Essentiellement populaire à l’origine, elle devint, avec Schumann et Schubert, un merveilleux instrument d’expression pour la poésie profondément sentimentale du romantisme allemand. Nos musiciens l’ont transformée à l’image de notre poésie, et les œuvres de Baudelaire, de Verlaine et de bien d’autres ont offert des thèmes à leurs créations musicales.

Parmi ces poèmes, les uns s’adaptent parfaitement à la forme musicale : le vers prend sous la plume du musicien son entière valeur. La musique s’y modèle aisément, et conserve, par cette aisance

même, un air d’indépendance, malgré son étroite union avec lui. Enfin, c’est un Lied, une œuvre d’art formant un tout harmonieux. Certains poèmes au contraire se dissipent, se désagrègent, au contact de la musique, ils y perdent leur harmonie propre, la phrase vocale devient gauche, et le commentaire musicale manque de naturel. Quelles sont donc les raisons de cette dissemblance, entre des poèmes de valeur également grande ?

Le texte d’un Lied doit avant tout être serré, compact, la forme impeccable dans ses moindres détails. En effet, à ce texte vous en ajoutez un autre. Ils sont parallèles. Mais l’écriture musicale à ses divisions propres, ses périodes, qui enferment des phrases. La phrase même est coupée par des rythmes, par des accents. C’est une ligne courbe, changeante à l’infini. Elle va donc, dans le discours, souligner certains mots, morceler le vers. Tantôt c’est par une accentuation particulière qu’elle met en relief un mot. Tantôt le silence des parties instrumentales laisse entendre tout un membre de phrase avec une netteté d’autant plus grande que la musique vient d’être plus riche et plus expressive. Il ne faut donc pas une poésie vague, approximative, qui fasse allusion à la pensée. Il faut le marbre de Baudelaire ou de Lecomte de Lisle, cette poésie si serrée, si implacablement belle dans son